Le match nul n’existe pas en athlétisme. Il n’a pas de sens dans un sport où il se trouvera toujours un millième de seconde pour départager deux athlètes sur la ligne d’arrivée. Mercredi 1er mai 2019, la décision du Tribunal arbitral du sport sur le différent entre Caster Semenya et l’IAAF n’a pourtant fait aucun vainqueur.
Certes, la Sud-Africaine a été déboutée par les trois juges du TAS. L’Australien, le Canadien et le Suisse se se sont prononcés sans unanimité (2 voix contre 1) en faveur de l’IAAF. Caster Semenya a perdu. Mais l’organisation internationale de l’athlétisme et son président, Sebastian Coe, n’ont rien gagné.
Le secrétaire général du TAS, Mathieu Reeb, l’a résumé de cette formule : « Le TAS n’a pas validé le règlement de l’IAAF, il a simplement rejeté les requêtes de Semenya ». Tout est dit.
La Fédération internationale d’athlétisme voulait imposer des mesures obligeant les athlètes féminines dites « hyperandrogènes », c’est à dire présentant un taux de testostérone supérieur à la normale, à le faire baisser pour participer aux compétitions du 400 m au mile (1609).
Caster Semenya contestait le nouveau règlement. Le TAS ne lui a pas donné gain de cause. Mais il a émis plusieurs réserves quant à la volonté de l’IAAF d’imposer aux athlètes hyperandrogènes un traitement à base de médicaments.
Trois points posent problème aux experts. En premier lieu, la difficulté d’appliquer un principe de responsabilité objective en fixant un seuil de taux de testostérone à respecter. Ensuite, la difficulté de prouver un véritable avantage athlétique chez les athlètes hyperandrogènes sur les distances du 1500 m et du mile. Enfin, les éventuels effets secondaires du traitement hormonal.
Le verdict complet du TAS compte 165 pages. Il restera confidentiel, afin de préserver certains renseignements médicaux de nature délicate. Mais le résumé de 6 pages en dit long sur la difficulté des trois juges à prendre une position tranchée.
Le TAS a estimé que le règlement sur les DDS (différences de développement sexuel) était bien « discriminatoire », comme l’ont argumenté Caster Semenya et ses avocats. Mais il a aussi jugé qu’une « telle discrimination constituait un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné d’atteindre le but recherché par l’IAAF, à savoir de préserver l’intégrité de l’athlétisme féminin dans le cadre de certaines disciplines ».
La suite ? Incertaine. Selon le règlement de l’IAAF, les athlètes concernées devront être dans les normes dès mercredi prochain, le 8 mai. Le délai est court, mais il est jugé réaliste pour faire baisser le taux de testostérone.
Caster Semenya et la fédération sud-africaine d’athlétisme disposent d’un délai de 30 jours pour faire appel de la décision du TAS devant la Cour suprême suisse de Lausanne. Les juges fédéraux vont rarement à l’encontre des décisions du TAS, mais l’affaire en question est trop atypique pour présumer de leur décision. Surtout, ils pourraient estimer que le processus judiciaire n’a pas été respecté.
L’athlète sud-africaine n’a pas tardé à réagir à la décision du TAS. Elle a d’abord écrit sur son compte Twitter : « Parfois, la meilleure façon de réagir est de ne pas réagir. » Puis ses avocats ont expliqué dans un communiqué : « La décision du TAS ne l’arrêtera pas. Depuis une décennie, l’IAAF a tenté de la faire ralentir, mais cela l’a rendue plus forte encore. »
Caster Semenya a poursuivi : « Une fois de plus, je vais surmonter cela et continuer d’inspirer des jeunes femmes et athlètes en Afrique du Sud et dans le monde entier. »
Fera-t-elle appel ? Probable. Mais la Sud-Africaine pourrait aussi choisir de prendre un nouveau virage dans sa carrière sportive. Elle peut courir sans médication sur 5.000 m. Elle peut aussi s’engouffrer dans la brèche ouverte par les juges du TAS en se concentrant sur le 1500 m, une distance où les experts de la juridiction suisse ont émis des réserves sur la pertinence du nouveau règlement de l’IAAF. Aux Mondiaux 2017, à Londres, elle avait décroché la médaille de bronze sur 1500 m, en plus de sa victoire au 800 m.