Les chiffres divergent, mais l’essentiel est ailleurs. Pour la première fois depuis 40 ans, plusieurs milliers de femmes ont pu assister à un match de football en Iran.
Jeudi 10 octobre, elles ont pris possession d’une tribune du stade Azadi de Téhéran, pour la rencontre entre l’Iran et le Cambodge, en éliminatoires du Mondial 2022.
Sur le terrain, le score du match est quasi anecdotique. L’Iran a atomisé le Cambodge (14-0). Quatorze buts, une aubaine pour un public où les femmes ont réduit les hommes au silence. Mais jeudi, l’événement s’est déroulé dans les gradins. Une tribune exclusivement féminine, séparée des hommes par une grille. Selon l’agence Fars, elle était surveillée par environ 150 policières.
Entre 3.500 et 4.000 supportrices selon les chiffres officiels. Au moins 4.500 à la fin de la rencontre, à en croire les médias présents, pour seulement 6.000 hommes. Peu importe les écarts, d’une estimation à l’autre. La journée restera historique.
Les femmes avaient déjà été parfois autorisées à assister à une rencontre de football en Iran. Mais elles étaient soigneusement sélectionnées par le régime iranien. En petit nombre. En 2001, une vingtaine d’Irlandaises avaient été les premières à se rendre au stade pour un match entre l’Iran et l’Irlande. Quatre ans plus tard, quelques dizaines d’Iraniennes avaient été autorisées à vivre dans le stade la rencontre Iran-Bahreïn. Depuis, les autorisations ont été rares. Cette fois, le phénomène a été massif. Elles ont pu acheter elles-mêmes leurs billets.
Cette ouverture intervient après la mort tragique, le mois dernier, d’une jeune supportrice, Sahar Khodayari. Elle s’est immolée par le feu après avoir cru, selon la presse locale, qu’elle allait être condamnée à de la prison ferme pour avoir tenté d’entrer dans un stade.
La FIFA avait alors accentué sa pression sur l’Iran. Gianni Infantino, son président, avait menacé le pays de sanctions sportives s’il ne permettait pas aux femmes de se rendre au stade. Une délégation de l’organisation internationale s’était même rendue à Téhéran, en septembre, dans la perspective de la rencontre entre l’Iran et le Cambodge.
Jeudi 10 octobre, la FIFA était représentée au stade Azadi. Le Français Youri Djorkaeff, notamment, champion du monde en 1998, était du voyage. Sitôt la rencontre bouclée, Gianni Infantino s’est fendu d’un communiqué. Le président de la FIFA y assure qu’il n’y aura désormais « plus d’arrêt possible ou de retour en arrière. »
Sans doute. Mais Amnesty International n’est pas dupe. L’ONG a dénoncé dès la veille de la rencontre un « coup publicitaire cynique », soulignant que l’autorisation concerne un « nombre symbolique de femmes ». Amnesty International appelle Téhéran à « lever toutes les entraves à l’accès des femmes aux matches de football. »
Possible ? Pas sûr. Certes, le président iranien, Hassan Rohani, a répété plusieurs fois son souhait de mettre fin à cette discrimination. Mais le clan ultraconservateur du régime reste droit dans ses bottes.
La population, de son côté, se révèle partagée. Nader Fathi, propriétaire d’un magasin de vêtements à Téhéran, a suggéré à l’AFP que les femmes « regretteront » une telle avancée si elles se retrouvent exposées à « des injures vraiment grossières » ou à de « mauvais comportements ». Le route est longue.