Drôle d’ambiance. Surréaliste. Et pourtant historique. Pour la première fois depuis près de 30 ans, un match officiel de football entre les deux Corée s’est déroulé à Pyongyang. Il n’a ressemblé à rien de connu dans l’univers pourtant plein de surprises du ballon rond.
Mardi 14 octobre, la Corée du Nord et la Corée du Sud se sont retrouvées dans le stade Kim Il Sung de Pyongyang, pour une rencontre des éliminatoires de la zone Asie du Mondial 2022, dans le groupe H. Le score est resté nul (0-0). Mais au vu des circonstances, il semble presque anecdotique.
Le terrain, d’abord. Une pelouse synthétique. Peu banal. Les Nord-Coréens y sont habitués. Leurs voisins sud-coréens nettement moins. Ils souhaitaient s’y entraîner au moins une fois, avant la rencontre, pour en maîtriser un peu mieux les rebonds différents du ballon. La Corée du Nord leur a laissé seulement une heure d’échauffement, pas une minute de plus.
Les tribunes, ensuite. Vides. Un huis clos quasi complet, sinon en tribune officielle, où Gianni Infantino, le président de la FIFA, a pris place pour assister à cette tranche d’histoire. A ses côtés, une poignée d’officiels nord-coréens.
Selon NK News, un site américain spécialisé sur la Corée du Nord, plusieurs diplomates étrangers en poste à Pyongyang ont été autorisés à assister au match. Leurs tickets étaient marqués « gratuits », mais ils les auraient en réalité payés entre 50 et 60 dollars.
L’ambassadeur de Suède s’est risqué à filmer quelques scènes de la rencontre. Il les a tweetées. L’une d’elles montre les deux équipes au centre du terrain pendant les hymnes. Preuve que l’hymne de la Corée du Sud a été joué mardi à Pyongyang. Le drapeau flottait également dans le stade. Une rareté. Une décennie plus tôt, la Corée du Nord avait fait le choix de disputer ses deux rencontres des éliminatoires du Mondial 2010 à Shanghai, pour s’éviter l’obligation de l’hymne et du drapeau sud-coréens sur son propre sol.
Pour le reste, les infos se découvrent au compte-gouttes. Malgré les demandes répétées de Séoul, la Corée du Nord a refusé la venue à Pyongyang de supporteurs et de journalistes. Le match n’a pas été télévisé. Tout juste a-t-il été « commenté », en direct, sur les sites de la FIFA, de la Confédération asiatique de football (AFC) et de la Fédération sud-coréenne. Mais la couverture du match s’est résumée à l’annonce des changements de joueurs et des cartons jaunes.
Selon le ministère sud-coréen de l’Unification, « la Corée du Nord a promis de donner un DVD contenant toutes les images du match » à la délégation venue de Séoul, avant son départ de Pyongyang, ce mercredi 16 octobre.
L’équipe sud-coréenne était arrivée seulement la veille de la rencontre, après un vol depuis Pékin. Une délégation composée des seuls joueurs, du coach portugais, Paulo Bento, et d’un encadrement réduit. Avant de s’envoler pour Pyongyang, ses membres ont été forcés de laisser leurs téléphones portables à l’ambassade de Corée du Sud en Chine.
A son arrivée, Paulo Bento a été invité à se rendre à la conférence de presse d’avant-match. Dans la salle, cinq journalistes nord-coréens et deux officiels de la Fédération nord-coréenne de football (KFA). Rien n’a filtré de la teneur des questions, encore moins celle des réponses.
La Corée du Nord n’a plus perdu une rencontre à domicile, au stade Kim Il Sung, depuis 2005. Le premier match contre le voisin du sud, le seul à ce jour chez les hommes, remonte à l’année 1990. Présenté comme un signe de réunification, il avait été marqué par la présence d’un même drapeau pour les deux équipes, figurant la péninsule dans son intégralité. Depuis, un match féminin a été disputé à Pyongyang en 2017, en éliminatoires de la Coupe d’Asie.
En mars dernier, la Corée du Sud a annoncé son projet de présenter une candidature commune des deux voisins au Mondial féminin de football en 2023. A la FIFA, Gianni Infantino avait applaudi des deux mains. Depuis, Séoul s’est joint à la liste des candidats, mais en solo, faute d’avoir obtenu le feu vert de Pyongyang. Un an et quelques mois après le défilé commun à la cérémonie d’ouverture des Jeux d’hiver de PyeongChang, la diplomatie sportive avance à reculons.