Witold Banka peut se frotter les mains. L’ancien athlète polonais n’a pas encore officiellement pris place dans le bureau de président de l’Agence mondiale antidopage, mais le CIO répond déjà dans l’instant à ses demandes. Joli début.
A moins de deux mois de sa prise de fonctions comme successeur de Craig Reedie à la présidence de l’AMA, prévue le 1er janvier 2020, Witold Banka a pu tester ses talents oratoires à la Conférence mondiale sur le dopage dans le sport, organisée depuis mardi 5 novembre à Katowice, en Pologne.
Ministre du Tourisme et des Sports dans son pays, le Polonais jouait à domicile. Un avantage. Il aurait pu opter pour une approche prudente, pour sa première sortie internationale. Il a choisi l’offensive. Avec une priorité : l’argent.
« L’AMA devrait imposer des sanctions plus souvent, et pas seulement en agitant le doigt, a attaqué Witold Banka, 35 ans, dont l’élection à la présidence doit être officialisée jeudi 7 novembre à Katowice. Mais pour que cela et d’autres activités soient possibles, l’AMA a besoin d’un budget considérable. Je trouve ridicule qu’une organisation ayant un statut de régulateur mondial dispose d’un budget inférieur à 40 millions de dollars. Un club moyen de football en possède un nettement plus important. »
Les chiffres lui donnent raison. Au dernier pointage, l’AMA affiche un budget annuel de 36,4 millions de dollars, dont la moitié est apportée par le CIO. Correct, sans plus. Mais certainement pas à la hauteur de ses ambitions et, plus encore, de la réalité du dopage dans le sport international. Craig Reedie, le futur ex président de l’organisation basée à Montréal, l’a reconnu mardi à Katowice : « Face à l’ampleur du dopage russe aux Jeux d’hiver de Sotchi 2014, nous n’étions pas outillés pour répondre efficacement. »
L’argent, donc. Witold Banka en veut plus. Nettement plus. « J’adresse donc un appel aux dirigeants du sport, mais aussi à mes collègues qui représentent les gouvernements, et aux entreprises privées : si vous voulez que le sport soit propre, vous devez augmenter le soutien financier pour la lutte contre le dopage. »
Le CIO a déjà répondu. Présent à Katowice, Thomas Bach a annoncé la mise à disposition de la lutte antidopage d’une enveloppe de 10 millions de dollars. A l’échelle du budget de l’institution olympique, la geste peut sembler minimal. Il représente pourtant une hausse de 50% de sa contribution au budget de l’AMA.
Dans le détail, la pactole sera utilisé dans quatre directions : financer le stockage pendant 10 ans des échantillons prélevés par les fédérations internationales et les agences nationales antidopage ; lancer un nouveau test de contrôles par séquençage génétique ; augmenter les moyens de la recherche ; et enfin renforcer les pouvoirs d’enquête de l’AMA.
Witold Banka n’est pas encore officiellement investi, mais il voit déjà les caisses de sa nouvelle maison se remplir d’un surplus de 10 millions de dollars. Cool.
Mais le Polonais n’entend pas se contenter de voir les habituels payeurs, CIO et gouvernements, mettre la main à la poche. Il appelle les partenaires privés du mouvement olympique à se joindre au mouvement.
« Nous ne pouvons pas continuer à augmenter les contributions (du CIO et des Etats), a-t-il suggéré à l’occasion d’une table ronde, mardi à Katowice. Nous devons trouver des solutions alternatives pour augmenter le budget consacré à la lutte contre le dopage. Il nous faut convaincre les plus grands partenaires que, s’il veulent être des sponsors du sport, ils doivent l’être d’un sport propre. »
Réaliste ? Sans doute. A eux seuls, les partenaires mondiaux des Jeux, membres du programme de marketing TOP du CIO, contribuent au financement du mouvement olympique à hauteur d’environ un milliard de dollars pour la période 2017-2020. Les diffuseurs des Jeux, de leur côté, appportent 5 milliards dans les caisses. Il ne choquerait personne que leur présence dans le décor olympique s’accompagne d’une participation financière à la lutte pour un sport sans dopage.
Pendant sa campagne pour la présidence de l’AMA, Witold Banka avait proposé la création d’un fonds de solidarité destiné à la lutte antidopage dans les pays en voie de développement. Le Polonais n’y renonce pas.
« Le chemin sera long », reconnaît-il. Mais il s’annonce inévitable. Pour la seule année 2017, les trois pays ayant effectué le plus grand nombre de tests antidopage – Allemagne, Chine et Etats-Unis – en totalisaient environ 35.000 à eux trois. A l’autre bout de l’échelle, les 29 nations les moins actives dans la lutte en ont réalisé, collectivement, seulement 957. Tout est dit.