Les athlètes russes croyaient avoir connu le pire. Les esprits les plus confiants s’imaginaient même proches du bout du tunnel. Ils se trompaient. A moins de 250 jours des Jeux de Tokyo, une sombre menace pèse sur le sport russe. Elle pourrait mener à l’exclusion du pays des deux prochains événements olympiques.
La menace en question a pris forme dès le week-end dernier. Après avoir analysé sous tous les angles les « incohérences » relevées dans les données du laboratoire de Moscou, le Comité de révision de la conformité (CRC) de l’Agence mondiale antidopage a annoncé recommander au comité exécutif de l’AMA de déclarer non conforme l’agence russe antidopage (RUSADA). Jusque-là, rien de très inattendu. Une recommandation, rien de plus. Elle n’est pas la première.
Mais un communiqué de l’AMA, diffusé dans la soirée du lundi 25 novembre, donne à la menace une tournure nettement plus concrète. L’agence internationale basée à Montréal précise la nature de la recommandation de son Comité de révision de la conformité. Elle se révèle sans égale dans l’histoire pourtant riche du sport russe.
Le CRC recommande une suspension de la Russie pour une période de 4 ans. En clair, toute une olympiade. Le pays serait privé des Jeux d’été de Tokyo 2020, puis il manquerait ceux d’hiver à Pékin en 2022. Dans les deux cas, la délégation d’athlètes russes ne porterait pas les couleurs de la nation. Elle défilerait sous drapeau neutre. Un « remake » des Jeux d’hiver de PyeongChang 2018.
Pire : le CRC recommande à l’AMA d’étendre la suspension de la Russie à toutes les grandes compétitions internationales au cours de la même période. La neutralité des athlètes du pays, jusque-là seulement observée aux Jeux d’hiver 2018, aux Jeux paralympiques (2016 et 2018), et aux Mondiaux d’athlétisme (2017 et 2019), deviendrait la norme. Le drapeau russe disparaîtrait de tous les championnats du monde au cours des 4 prochaines années.
L’AMA le précise dans son communiqué : les athlètes russes pourraient être éligibles aux grandes compétitions internationales à la condition d’être « en mesure de démontrer qu’ils ne sont impliqués en aucune manière » dans les affaires de dopage. Il reviendrait donc aux fédérations internationales d’étudier au cas par cas les demandes des athlètes russes. World Athletics le fait depuis plus de 3 ans. Les autres pourraient devoir s’y plier à leur tour.
Mais le Comité de révision de la conformité ne s’arrête pas à cette seule recommandation. Ses membres poussent le bouchon nettement plus loin. Ils proposent d’interdire à tous les fonctionnaires du gouvernement russe d’assister aux événements sportifs internationaux.
Surtout, la recommandation du CRC suggère d’écarter la Russie de l’organisation d’événements majeurs du calendrier international au cours des 4 prochaines années. Elle propose même de lui retirer les compétitions déjà attribuées, sauf s’il est « légalement ou matériellement impossible de le faire. »
La balle est maintenant dans le camp du comité exécutif de l’AMA. Il doit se réunir le 9 décembre à Paris. A l’ordre du jour, la question russe. Suivra-t-il la recommandation de son Comité de révision de la conformité ? Probable.
Dans une telle hypothèse, la Russie serait rayée de la carte du monde sportif jusqu’à la fin de l’année 2023. Elle pourrait perdre l’organisation du Mondial masculin de volley-ball en 2022, puis des championnats du monde de hockey-sur-glace en 2023.
Le reste est plus flou. L’UEFA suivrait-elle la consigne de l’AMA en retirant à Saint-Pétersbourg ses quatre rencontres de l’Euro de football en 2020 ? Selon certaines sources, l’événement pourrait être considéré comme continental, non pas mondial, et échapper ainsi à la sanction. Même incertitude concernant la possible exclusion par la FIFA de la Russie du Mondial de football 2022 au Qatar.
Au cours de son enquête, le CRC a également découvert que les autorités russes avaient fabriqué un ensemble de fausses preuves destinées à faire porter le chapeau à Grigory Rodchenkov, l’ancien patron du laboratoire antidopage de Moscou, aujourd’hui réfugié aux Etats-Unis. Edifiant.