Paradoxe. L’Association des comités olympiques africains (ACNOA) dispose depuis la mi-novembre d’un nouveau siège, construit à Abuja, la capitale du Nigéria. Thomas Bach l’a inauguré en personne, à l’occasion de son récent voyage en Afrique. Mais le mouvement olympique africain traverse une période de gros temps.
En première ligne, Mustapha Berraf (photo ci-dessus). Le dirigeant algérien, élu en novembre 2018 à la présidence de l’ACNOA, peine à rassembler les troupes. Pire : il cristallise les critiques d’une partie du mouvement sur sa gouvernance, ses méthodes et son manque de transparence.
En octobre dernier, en marge de l’assemblée générale de l’ACNO à Doha, une motion de retrait de confiance a été distribuée aux délégués africains. Elle visait Mustapha Berraf, mais également son secrétaire général, Ahmed Abou Elgasim Hashim, et le trésorier de l’ACNOA, le Nigérian Habu Ahmed Gumel. Le document de 15 pages pointait une gestion opaque de l’organisation africaine, l’absence d’une administration forte, des décisions unilatérales, et une série d’anomalies et de mouvements de capitaux.
Mustapha Berraf s’est défendu. Dans une réponse adressée à FrancsJeux, il a expliqué que « la lettre faisant état d’irrégularités (…) n’a eu aucun écho auprès de nos membres, si ce n’est de renforcer davantage notre unité. » Le président de l’ACNOA a également précisé que « les mesures de contrôle et d’audit mises en place par la Solidarité olympique ne permettent aucun écart dans la gestion et le fonctionnement de notre organisation. Toutes les dépenses et subventions sont budgétisées dans le cadre de programmes bien établis sur un plan quadriennal. »
La fin de la crise ? Sûrement pas. L’un des meneurs de la contestation, Philipbert S. Browne, le président du comité national olympique du Liberia (LNOC), a mené l’enquête. Il a adressé une lettre très officielle à en-tête du comité national olympique à Mustapha Berraf, datée du 25 novembre 2019. FrancsJeux en a obtenu une copie.
Dans son courrier, Philipbert S. Browne demande au président de l’ACNOA des explications sur un contrat entre l’organisation olympique africaine et la société Lagardère, relatif à la commercialisation des droits marketing des Jeux Africains 2019 au Maroc.
« Il faut souligner que cette démarche concernant le marketing était émaillée de faux pas, de décisions unilatérales, des intérêts personnels, des conflits d’intérêts, des gaffes et des actions suspectes qui, selon la logique de la gestion, de l’éthique et de la bonne gouvernance, pourraient être considérés comme des infractions pénales », assure Philipbert S. Browne.
Le dirigeant du Liberia relève que Mustapha Berraf a signé en mai 2019 « une lettre mandat confiant à Lagardère Sports les 4 prochaines éditions des Jeux Africains. Il faut noter qu’à ce jour, ni les membres du comité exécutif de l’ACNOA, ni le comité d’organisation des Jeux, ni les propriétaires des Jeux – à savoir l’Union Africaine – n’avaient connaissance, ni vu le contrat proposé. »
Toujours selon Philipbert S. Browne, Mustapha Berraf aurait réuni le 11 juin au Cap-Vert, en marge de l’assemblée générale de l’ACNOA, les membres du comité exécutif pour une « réunion informelle ». Le Libérien écrit que Mustapha Berraf aurait fait « trois propositions irrégulières et troublantes, voire criminelles :
- Les membres doivent approuver pour signature le contrat que personne n’avait vu jusque-là et qui venait d’être envoyé à l’impression en une seule langue (français).
- La signature devrait être anti-datée.
- Cette décision du comité exécutif devra être intégrée dans le procès verbal de la réunion extraordinaire du 10 juin comme ayant été prise à cette session. »
Il précise que « les dites propositions engageaient la somme de 1 million de dollars, dont un quart reviendrait à Lagardère Sports ».
Le contrat entre l’ACNOA et Lagardère Sports n’a jamais été signé. La société française a jeté l’éponge. Aucune activité de marketing n’a été entreprise, relève Philipbert S. Browne, pour les Jeux Africains 2019 au Maroc.
Le président du comité national olympique du Liberia pose la question, dans son courrier à Mustapha Berraf : « Étant donné que le million de dollars était destiné au marketing et n’a apparemment pas été utilisé, je voudrais savoir comment cet argent a été utilisé. » Selon nos informations, Philipbert S. Browne n’a pas encore obtenu de réponse de Mustapha Berraf. Tout juste un courrier de Kamal Lahlou, le président de la commission marketing de l’ACNOA.