L’histoire est fantaisiste, mais l’information très sérieuse. Haïti, la « perle des Antilles, va organiser une Coupe du Monde de ski Masters. Une vraie, dans les règles de l’art, authentifiée par le label de la FIS, la Fédération internationale de ski. L’événement est prévu les 11 et 12 janvier 2014. Il se déroulera en Suisse, à Veysonnaz, une station très cossue du canton du Valais.
Très sérieux, donc. Et même, n’ayons pas peur des mots, quasiment historique. Pour la première fois, une des plus petites nations du ski, sinon la plus petite, organisera une épreuve officielle du calendrier de la Coupe du Monde FIS. Au dernier pointage, facile à réaliser, la Fédération haïtienne de ski (FHS) comptait deux licenciés en alpin. Modeste, certes, mais en pleine progression. A l’automne 2010, date de sa création, elle en dénombrait un seul, Jean-Pierre Roy, à la fois président et unique skieur. Il sera au départ de la course, en janvier prochain à Veysonnaz.
Autres premières historiques de cette improbable Coupe du Monde Masters: les deux courses programmées les 11 et 12 janvier 2014 dans le Valais seront organisées par deux pays pays, selon la formule du « partage de code », la Suisse et Haïti. Enfin, ce weekend alpin sera placé sous le signe d’une commémoration, celle des quatre ans du tremblement de terre du 12 janvier 2010, une catastrophe naturelle qui a causé la mort de presque 300.000 personnes en Haïti.
L’histoire du ski en Haïti se confond avec celle de son instigateur, Jean-Pierre Roy. A l’automne 2010, ce grand-père de 47 ans décide que le pays a besoin de projets, même fous, pour se relever du drame. Il rencontre le président du Comité olympique haïtien, Jean-Edouard Backer, pour obtenir son appui. A l’automne 2010, il donne naissance à la Fédération haïtienne de ski.
La suite va relativement vite. En novembre 2010, celui que le petit monde du ski alpin a surnommé « Rasta piquet » décroche sa sélection pour les Mondiaux 2011, lors d’une épreuve organisée à Val Thorens. Il s’y fait beaucoup remarquer dans les aires d’arrivée, un peu moins sur les pistes, où ses résultats restent modestes: 78ème en slalom, 127ème en géant.
L’année suivante, Jean-Pierre poursuit sur sa lancée et parvient à mettre sur pied les premiers championnats d’Haïti de ski, en avril 2012 à Morzine, dans les alpes françaises. Depuis, l’équipe nationale s’est renforcée, avec l’arrivée d’un troisième larron, un spécialiste du snowboard. Elle compte désormais trois membres: Jean-Pierre Roy, alias « Rasta piquet », Benoît Etoc, « l’étoile montante », présenté comme le successeur de son leader et président, et enfin Yannis Roy, le surfeur, lui aussi affublé d’un surnom, le » Haïtien volant ».
Fin janvier 2014, l’équipe de choc du ski haïtien organisera les 3èmes championnats nationaux, un événement désormais traditionnel qui changera de nom pour l’occasion et devrait s’appeler « Je skie pour Haïti ». Au-delà, Jean-Pierre Roy pense déjà aux Jeux d’hiver de Sotchi. « Y aller serait un rêve », glisse-t-il. Un rêve loin d’être aisé à réaliser, surtout après la blessure de Benoît Etoc, auteur l’hiver dernier d’une très respectable 65ème place en slalom aux Mondiaux de ski alpin 2013 à Schladming. Mais l’impossible n’est plus haïtien.