Dick Pound parle peu. Mais le dirigeant canadien sait le faire avec fracas. Le privilège de l’ancienneté, sans doute. Entré comme membre du CIO en 1978, l’ancien avocat en est aujourd’hui le doyen.
Ses derniers propos, relayés par Associated Press, jettent un froid. Dick Pound brise la loi du silence qui enveloppe l’institution olympique depuis le début de la crise du coronavirus. Il est le premier à évoquer tout haut la possibilité d’une annulation pure et simple des Jeux de Tokyo 2020.
Selon lui, un seul scénario reste envisageable dans l’hypothèse où l’épidémie ne soit pas rapidement contenue : une annulation des Jeux. Les autres options, report ou délocalisation, ne sont pas d’actualité et ne le seront pas.
Un report ? Impossible, tranche le Canadien. « Vous ne pouvez pas remettre à plus tard un événement de la taille et de l’importance des Jeux olympiques. Il y a tellement d’éléments à prendre en compte, tant de pays et de contraintes du calendrier, tant pour les compétitions que pour les diffuseurs. Il n’est tout simplement pas possible de décider de déplacer les Jeux au mois d’octobre. »
Une délocalisation dans une autre ville et un autre pays, moins touchés par le virus ? Shaun Bailey, le candidat du parti conservateur à la mairie de Londres, a suggéré que la capitale anglaise pourrait constituer un excellent plan B. Mais Dick Pound balaye l’hypothèse.
« Le déplacement ailleurs est très difficile, estime le Canadien. Il existe actuellement peu d’endroits dans le monde où il serait possible d’aménager les installations en si peu de temps. »
Dick Pound rejette de façon tout aussi catégorique le scénario d’un éclatement des sports sur une multitude de sites à travers le monde. « Nous n’aurions plus alors des Jeux olympiques, mais une série de championnats du monde. »
Reste une seule piste, la pire : l’annulation. Prudent, Dick Pound se garde bien de mettre même un seul pied dans la porte. Il a répété à Associated Press que le CIO n’exigeait à ce jour « ni annulation ni report. » Mais le Canadien ne s’interdit pas d’évoquer tout haut le scénario catastrophe. Il le fait en son nom, sans prétendre incarner la voix officielle. Mais son analyse de la situation ne manque pas de pertinence.
« Nous sommes confrontés à une nouvelle guerre et nous devons y faire face. À un moment, les gens vont devoir se demander : « L’épidémie est-elle suffisamment sous contrôle pour que nous puissions aller à Tokyo en toute sécurité ? L’annulation serait une grande, très grande, décision. Elle ne peut pas être prise avant d’avoir en mains tous les éléments les plus fiables. »
Dick Pound se veut concret : il fixe un ultimatum. Selon lui, il sera impossible au CIO et aux Japonais d’attendre le dernier moment. Ils devront prendre une décision au plus tard à la fin du mois de mai, soit deux mois avant le début des Jeux de Tokyo 2020.
« Il est possible d’attendre jusqu’à deux mois avant, s’il le faut, suggère-t-il. Cela signifierait reporter la décision jusqu’à la fin du mois de mai et espérer que le virus soit sous contrôle. »
L’argent ? Les pertes ? Dick Pound l’explique : le CIO a tout prévu, y compris le pire. L’institution olympique a constitué un « fonds d’urgence » pour pallier au scénario d’une annulation des Jeux. Il s’élèverait à un milliard de dollars. Insuffisant pour compenser les dépenses astronomiques consenties par les Japonais au cours de sept dernières années. Mais le bas de laine du CIO pourrait assurer le financement du mouvement olympique, en priorité les fédérations internationales, privées des ressources liées aux Jeux.
A moins de 150 jours de l’ouverture, l’analyse formulée par Dick Pound tient encore de la fiction. Mais le Canadien a le mérite d’exprimer tout haut une crainte formulée à mots retenus par l’ensemble du mouvement olympique, Surtout, il propose une échéancier. Trois mois pour décider. Peut-être même moins.