L’heure est grave pour le mouvement sportif français. Déjà sonné par le confinement, puis abattu par le report des Jeux de Tokyo, il a encaissé les dernières mesures sanitaires prises par les autorités politiques comme un nouveau coup dur. Son secteur amateur souffre. Ses clubs voient leurs licenciés s’éparpiller dans le vent. Et la perspective d’un nouveau durcissement des règles de lutte contre la pandémie, avec un possible reconfinement, lui fait craindre le pire.
Preuve de son découragement, le comité olympique français (CNOSF) a rameuté toutes ses troupes pour en appeler au plus haut sommet de l’Etat. Aucune n’a fait faux bond. Le résultat : une lettre ouverte à Emmanuel Macron, le président de la République (photo ci-dessus, avec Denis Masseglia, le président du CNOSF). Elle est co-signée par 95 fédérations sportives. Son titre en dit long sur l’ambiance générale : « SOS : Sport en détresse ».
Sur le fond, le message se veut réaliste. Il décrit une situation plus que préoccupante, proche d’un état d’urgence, avec déjà plus d’un quart d’adhésions en moins dans les clubs, où beaucoup se demandent s’ils pourront passer l’année.
Les signataires adoptent une posture de bons élèves, en rappelant au chef de l’Etat avoir fait tout leur possible, depuis plusieurs mois, pour s’adapter « aux aléas et aux multiples applications divergentes et parfois contradictoires de la doctrine sanitaire sur le terrain. » Ils expliquent avoir « établi les protocoles sanitaires les plus exigeants, validés par les ministères tant des Sports que de la Santé ainsi que par le Haut Conseil de la Santé Publique et la Cellule interministérielle de crise. »
Mais, malgré ces efforts, les activités « sont à l’arrêt dans de nombreux territoires, y compris des zones vertes non soumises au couvre-feu. Les décisions très disparates des préfectures et des ARS (les agences régionales de santé), à situations similaires, tuent le sport à petit feu. »
Les signataires en profitent pour rappeler que « pratiquer un sport est bon pour la santé et permet de mieux résister face à l’épidémie. »
Et pourtant, insistent-ils, les autorités politiques n’ont jamais pris en compte les spécificités du secteur sportif. Ils regrettent l’absence d’un dispositif d’accompagnement approprié. Ils déplorent que, sur le plan budgétaire, « les quelques euros promis par-ci nous soient repris par-là, dans des tours de passe-passe indignes et humiliants. »
En clair, le mouvement sportif français s’attendait à une plus grande considération au sommet de l’Etat, à moins de 4 ans des Jeux de Paris 2024. A la place, il réalise dans la douleur que le sport ne fait pas partie des priorités du gouvernement, malgré la présence à sa tête de Jean Castex, pourtant présumé dans le camp des sportifs pour avoir occupé un temps le poste de délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques.
Roxana Maracineanu, la ministre des Sports, l’avait suggéré dès le mois d’avril dernier, en plein confinement : « Le sport n’est pas prioritaire aujourd’hui dans les décisions qui sont prises par le gouvernement. » A l’évidence, elle disait vrai.
Au-delà du fond, le courrier envoyé lundi 26 octobre à Emmanuel Macron surprend par le choix des mots et le ton employé. Ils reflètent un sentiment général proche du découragement. Les signataires se disent « désemparés. » Ils avouent avoir « le coeur lourd mais las. » Ils évoquent leur « incompréhension de subir une stigmatisation aussi violente qu’infondée, car non étayée par des éléments objectifs. »
En s’adressant directement à Emmanuel Macron, ils terminent leur propos par ces deux phrases : « Comme vous l’avez indiqué, notre société va devoir vivre avec le virus. Nous devons donc vivre avec lui tant qu’il n’aura pas été vaincu, mais nous ne voulons pas disparaître avant lui. »
Un Conseil de défense doit être réuni ce mardi par le président de la République. Pus tard dans la journée, le Premier ministre, Jean Castex, recevra les forces politiques puis les partenaires sociaux à Matignon. Un nouveau durcissement des règles sanitaires semble inéluctable. Sans un geste de l’Etat, sous la forme d’un dispositif d’aides plus spécifiques, le mouvement français craint qu’il ne lui soit fatal.