Bon ou mauvais signe ? Tokyo a accueilli dimanche 8 novembre sa première épreuve sportive internationale depuis le début de la pandémie de COVID-19. Le concours de gymnastique de l’Amitié et de la Solidarité s’est tenu au Yoyogi National Stadium de la capitale japonaise, site des épreuves de natation des Jeux de Tokyo en 1964. Il a pu se dérouler sans le moindre incident. Mais la compétition à quatre pays a été enveloppée d’un habillage de mesures de sécurité et de précautions sanitaires dignes d’un film-catastrophe. Le sport dans le monde d’après.
Les athlètes, d’abord. Trois pays invités (Chine, Etats-Unis, Russie), plus la nation-hôte, le Japon. Vingt-deux gymnastes étrangers, plus huit compétiteurs japonais, dont Kohei Uchimura, le double champion olympique au concours général individuel. Les Américains sont arrivés les premiers à Tokyo, en milieu de semaine passée, après une période d’isolement de 14 jours à leur domicile. Les Russes ont suivi le lendemain. Le même jour, la délégation chinoise a débarqué à l’aéroport de Tokyo comme en pleine guerre bactériologique (photo-ci-dessous).
Au terme de leur isolement, les gymnastes ont été testés avant leur départ pour le Japon. Ils ont été contrôlés à leur arrivée, puis encore pendant leur séjour, au rythme d’un test quotidien. Sur place, chacune des délégations a été logée dans un hôtel sécurisé, où un étage tout entier lui était réservé. L’accès était surveillé par des agents de sécurité. Les athlètes devaient emprunter une porte de sortie et d’entrée particulière, afin de limiter les contacts avec les autres clients. Leurs déplacements en dehors de l’hôtel ont été réduits au strict minimum : entraînements, compétition, aéroport.
Commentaire un rien désabusé de la Russe Angelina Melnikova, citée par Associated Press : « Mon seul problème a été la vie à l’intérieur de l’hôtel. J’ai été surprise de ne pas pouvoir marcher librement, même à l’intérieur de l’hôtel. Je voulais faire un tour de Tokyo. Cela s’est avéré impossible. Mais je comprends tout à fait ».
Les spectateurs, ensuite. Leur nombre a été limité à 2.094 personnes, pour une enceinte sportive capable d’en accueillir 13 000. Ils ont été soumis à une prise de température à leur entrée dans le site olympique. Le port du masque était obligatoire en toutes circonstances. La distanciation sociale a été respectée dans les tribunes. Enfin, il leur a été demandé de ne pas manifester de façon trop expansive leur enthousiasme devant la performance d’un gymnaste, en sifflant ou en criant par exemple. Les applaudissements, ok, mais pas plus.
Yoshiro Mori, le président du comité d’organisation des Jeux de Tokyo, et Seiko Hashimoto, la ministre olympique, ont assisté au concours. Thomas Bach, de son côté, a adressé un message vidéo aux athlètes et au public, diffusé avant le début de la compétition. Très élégant dans son costume bleu, le président du CIO a expliqué, en substance, que la tenue de cet événement démontrait qu’il était possible d’organiser une épreuve sportive en toute sécurité. Il a suggéré que ce tournoi de l’Amitié et de la Solidarité envoyait un signal fort au mouvement sportif international. Enfin, il a rappelé que le Yoyogi National Stadium, construit pour les Jeux de Tokyo 1964, avait été le cadre de très belles histoires olympiques et qu’il le serait encore l’an prochain.
Encourageant ? Attendons. Présenté comme un test pré-olympique, le concours de gymnastique a eu le mérite de refermer une longue parenthèse sans la moindre épreuve internationale dans la capitale japonaise. Il a permis aux organisateurs japonais de vérifier en conditions quasi réelles certaines mesures sanitaires envisagées pour l’an prochain. Mais l’écart reste immense entre une compétition à trente athlètes et deux mille spectateurs, disputée sur une seule journée, et une quinzaine olympique à 10.500 compétiteurs, des médias et des officiels par milliers venus du monde entier, et un public présumé international.
Kohei Uchimura l’a résumé à sa façon, après la compétition : « Malheureusement, 80 % des Japonais croient que les Jeux de Tokyo ne devraient pas avoir lieu en raison de la pandémie de coronavirus. Je sais bien qu’il est assez naturel de penser ainsi. Mais j’aimerais que les gens voient les choses d’un autre angle. J’aimerais que, au lieu de se dire que nous ne pouvons présenter les JO, ils se demandent plutôt comment réussir à les organiser. »