Le COJO Paris 2024 le sait depuis le premier jour. Il le savait même avant de pousser pour la première fois la porte de ses locaux du 8ème arrondissement parisien : il ne lui sera pardonné aucun écart de conduite, surtout sur la question des finances. Un rapport de la Cour des comptes est venu le lui rappeler cette semaine.
Le document pèse son poids de remarques, de chiffres et de recommandations. Pas moins de 137 pages. Il a été rédigé au terme d’un contrôle sur place et sur pièces, réalisé entre octobre 2019 et septembre 2020. Sans grande surprise, il a fuité dans les médias. Le Canard Enchaîné, notamment, en a fait ses choux gras. Avec ce titre sans nuance : « Les dispendieux du stade en piste pour Paris 2024 ».
Seul ennui, mais de taille : le document dont plusieurs médias ont eu connaissance n’est rien de plus qu’une ébauche d’un rapport attendu seulement pour le début de l’année prochaine. Il s’agit seulement d’un texte provisoire, un rapport d’observations. Il y manque les éléments de contradiction apportés par le COJO Paris 2024.
Autre souci : ses données se révèlent souvent datées, parfois erronées. Les magistrats financiers de la Cour des comptes n’ont pas la réputation de travailler dans l’urgence. Ils ont pris leur temps. Résultat : leurs chiffres et leurs recommandations ne tiennent pas toujours compte de la « révision de projet » entamée par le COJO depuis le début de la pandémie. Un vaste plan d’économies censé rogner 3 à 400 millions d’euros d’économies sur le budget des Jeux de Paris 2024.
Il n’empêche, les organisateurs parisiens ne prennent pas la chose à la légère. Ils ont réagi dès la publication, mardi 10 novembre, des premiers articles dans les médias consacrés au document de la Cour des comptes. Autant éteindre le feu avant qu’il embrase la toiture.
Soyons clairs : le pré-rapport de la Cour des comptes n’apporte rien de très nouveau. Il insiste une nouvelle fois sur l’importance de rester dans les clous budgétaires. Le COJO le sait. Il pointe les risques de dépassement des coûts, notamment en termes de sécurité, de transport et de cybersécurité. Le COJO le sait aussi. Il suggère que les estimations de recettes ne seront peut-être pas atteintes, en particulier sur la billetterie et le marketing. Qui l’ignore ?
Les réponses du COJO ? Elles sont également sans surprise. « Les remarques sur les « sous-évaluations budgétaires » correspondent à des réflexions de travail datant du premier semestre, partagées avec la Cour, explique-t-on au comité d’organisation. Nous avons engagé depuis lors un important travail de révision budgétaire qui sera porté à la connaissance de la Cour à l’issue de la validation par le Conseil d’administration mi-décembre. »
A la question d’une possible baisse des recettes, le COJO répond : « Sur la billetterie, nos prévisions s’appuient sur des projections prudentes de taux de remplissage (un taux d’occupation de 85%, soit inférieur de 10 points aux niveaux constatés à Londres en 2012). En cas de pandémie, l’ensemble du modèle des Jeux serait affecté, donc toute la structure de coûts serait revue en cas d’absence de public (coût à la baisse de l’accueil du public, de la sécurité, du transport, etc.), et il serait prématuré d’envisager une telle éventualité à quatre ans des Jeux. »
Autre question soulevée par les magistrats de la Cour des comptes : les salaires. Rien de nouveau, là aussi. Les magistrats financiers s’interrogent sur les rémunérations des directeurs, comprises entre 120.000 et 245.000 euros bruts par an. Ils se demandent pourquoi le directeur de cabinet de Tony Estanguet (Michaël Aloïsio) gagne autant que le directeur général (Etienne Thobois). Ils relèvent que les salaires de certains cadres ont fortement augmenté entre la phase de candidature et la période actuelle.
Le refrain est connu. Mais le COJO répond. « Notre objectif est d’attirer les meilleurs talents capables de livrer le plus grand événement au monde en termes de visibilité, de complexité, d’enjeux d’organisation. Paris 2024 est également une entreprise éphémère. Les primes et conditions d’embauche font parties des leviers d’attractivité des postes (…). Le directeur général des Jeux de Londres 2012 était payé deux fois plus (que celui des Jeux de Paris 2024), avec une part variable pouvant aller jusqu’à 75% (plafonnement à 20% chez Paris 2024, et niveau déterminé par le comité des rémunérations). La Cour pointe le fait que la rémunération du directeur de cabinet est au même niveau que celle du directeur général ; cette information est inexacte. Sa rémunération est inférieure d’ailleurs à celle de certains directeurs exécutifs. »
Enfin, la Cour des comptes semble avoir toussé en découvrant la facture de la soirée de révélation du logo des Jeux, organisée en partie au Grand Rex de Paris. Elle aurait coûté 1,089 million d’euros, pour un budget initial de 800.000 euros. Cher, en effet. Mais le COJO étale ses chiffres en jouant la transparence : « Le budget pour la seule opération de révélation de l’emblème était bien de 1 M€ (les différents documents d’appels d’offres prévoyaient une fourchette entre 0,8 et 1,0 M€). La dépense finale a en effet été de 1089 k€. Mais le budget « Emblème » ne se résumait pas à l’opération de révélation, il contenait également des coûts de conception et de création pour 0,4 M€, consommés à seulement 0,28 M€. Soit au total, pour un budget de 1,4 M€, une dépense finale de 1,369 M€, en économie. Le montant de cet événement est cohérent avec la nature de l’enjeu : la création d’une marque et d’une identité internationale, avec un rayonnement mondial, à matérialiser 5 ans avant l’événement. Notre approche a été de ne pas recourir à de l’achat d’espace publicitaire et de miser sur un événement très ambitieux. L’impact média total correspond à plus de 3 millions d’équivalent en achat d’espace publicitaire. »
Beaucoup de bruit pour rien, en somme. Mais le COJO devra s’y faire : l’administration française le surveille de près et n’entend pas lui lâcher les basques. Son budget est pourtant assuré à 97 % par des fonds privés. Paradoxal.