Qui l’eut cru ? Cinq candidats se bousculaient dans le couloir d’entrée, lundi 30 novembre, avant l’élection à la présidence de la Fédération russe d’athlétisme (RusAF). Le scrutin s’annonçait serré. Il était pressenti comme très incertain. Il a pourtant été bouclé en un seul tour. Et accouché d’un vainqueur plein de surprises.
Contre toute attente, le nouveau président de l’athlétisme russe est le seul des postulants à ne pas être issu du sérail. Peter Ivanov (photo ci-dessus), 50 ans, était jusque-là connu dans le pays pour présider la Fédération russe de triathlon. Il occupe également le poste de directeur général de la Société des trains à grande vitesse russes. Mais par un surprenant jeu des chaises musicales, peu fréquent dans le reste du mouvement sportif international, il a raflé la mise.
Peter Ivanov a obtenu 56 voix, au terme d’une élection où 73 délégués ont été autorisés à glisser leur bulletin dans l’urne. Il a devancé Mikhail Gusev, un agent et manager d’athlètes, seulement crédité de 10 voix, et l’ancienne sprinteuse Irina Privalova, championne olympique du 400 m haies aux Jeux de Sydney 2000, encore plus largement devancée (7 voix).
Les autres candidats ? Ils ont rendu les armes avant même le début du combat. Andrei Shlyapnikov, lui aussi ancien sprinteur dans l’équipe nationale, au temps de l’Union soviétique, s’est désisté au profit de Peter Ivanov. Quant à Oleg Kurbatov, le président de la Fédération de Moscou d’athlétisme, présenté comme un sérieux postulant à la victoire, il s’est légalement retiré de la course, offrant ses présumés soutiens à Irina Privalova.
Toujours suspendue par World Athletics, la RusAF passe donc entre les mains d’un « intrus ». Bonne ou mauvaise nouvelle pour les athlètes, toujours tenus à l’écart des événements internationaux ? La suite des événements répondra. En attendant, Peter Ivanov a annoncé qu’il abandonnerait dès la semaine prochaine sa place de président de la Fédération russe de triathlon, qu’il occupe depuis un peu plus de quatre ans.
Prometteur : le nouvel homme fort de l’athlétisme russe se pose en champion du rassemblement. A peine élu, il a proposé à Irina Privalova un siège de première vice-présidente. « Malgré le fait que nous étions opposés comme candidats, nous allons travailler ensemble », a-t-il déclaré à l’agence TASS.
Irina Privalova a accepté. Elle siègera au sein d’un présidium où, autre signe de la volonté de rassemblement exprimée par Peter Ivanov, Mikhail Gusev bénéficiera lui aussi d’un siège. Trois autres grands noms de l’athlétisme russe entrent également au présidium : les anciens perchistes Svetlana Abramova et Radion Gataullin, et l’ex spécialiste des épreuves combinées Natalya Shubenkova, la mère de Sergey Shubenkov, le champion du monde du 110 m haies en 2015.
Pour Peter Ivanov, la tâche s’annonce immense. Deuxième président de la RusAF en seulement neuf mois (son devancier, Yevgeny Yurchenko, a été élu en février dernier mais il a démissionné en juillet), il devra remettre la fédération à flots sur le plan financier. Et, en parallèle, convaincre World Athletics de lever enfin la suspension de la RusAF, instaurée en novembre 2015. Pas simple.
Hasard du calendrier : le Conseil de World Athletics doit se réunir pour deux jours, en mode virtuel, à partir de ce mardi 1er décembre. Au programme des réjouissances, un énième rapport du groupe de travail sur la Russie, dirigé par le Norvégien Rune Andersen.
Il n’est pas prévu de prendre la moindre décision sur l’avenir à court terme de la RusAF, le Conseil de World Athletics lui ayant donné jusqu’au 1er mars 2021 pour présenter un plan de réorganisation. Mais Sebastian Coe et les autres membres de l’instance débattront d’une possible relance du programme des athlètes russes autorisés à participer aux compétitions internationales sous couvert de neutralité. A moins de 250 jours des Jeux de Tokyo, le temps presse.