Sur une carte du sport mondial, le Turkménistan se voit à peine. Un fin rectangle, caché entre l’Iran, l’Afghanistan, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan. Quant à sa capitale, Achgabat, mieux veut se munir d’une bonne loupe pour en distinguer la trace. Ce pays peuplé de 6,2 millions d’âmes caresse pourtant le rêve de devenir, un jour prochain, l’une des places fortes sur l’échiquier du sport international. Un Qatar de l’Asie centrale, au moins aussi ambitieux et (presque) aussi riche que le micro-état du Golfe.
Ses projets sportifs, le Turkménistan les gardait jusque-là pour lui. Plus maintenant. Fin novembre, le pays a invité une délégation de journalistes du monde entier à Achgabat, pour assister à son premier Forum international des médias du sport. FrancsJeux y était. Une occasion inédite de découvrir les moyens, les ambitions et les réalisations d’un pays classé au 5ème rang mondial pour ses réserves de gaz naturel.
Depuis son indépendance en 1991, le Turkménistan n’a encore jamais organisé d’événements sportifs à l’échelle internationale. Il le fera pour la première fois en 2017 avec les « 5èmes Jeux d’Asie indoor et des arts martiaux », une compétition continentale censée attirer vers Achgabat environ 4000 athlètes et entraîneurs. La manifestation s’annonce modeste, même à l’échelle asiatique. Mais le pays la prépare comme elle le ferait pour accueillir la terre entière.
Pour l’occasion, un « complexe olympique » a été construit dans la partie la plus moderne d’Achgabat, étrange quartier futuriste où se dresse une forêt de bâtiments blanc et or dont personne ne semble jamais entrer ou sortir. Le complexe en question compte un stade de 45.000 places, un centre aquatique, une salle de sports collectifs, un autre pour les disciplines individuelles, un centre couvert de tennis, un stade indoor et un vélodrome de 6.000 places, présenté par les autorités sportives turkmènes comme le « plus grand du monde. »
Saisissant. Et le reste est à l’avenant. Le « village des athlètes » a été conçu pour pouvoir héberger 12.000 personnes, soit trois fois les besoins du pays pour les Jeux d’Asie indoor et des arts martiaux en 2017. L’hôtel des médias, déjà terminé mais encore jamais occupé, hésite entre le luxe du Palais de Versailles et le rococo d’un harem des Mille et Une Nuits. Sa salle de conférence de presse pourrait accueillir une sommet du G20. Ses suites possèdent chacune cinq écrans plasma.
Coût total: environ 5 milliards de dollars. Plutôt cher, pour une compétition continentale. Mais le Turkménistan voit plus loin. Surtout, il rêve en très très grand. A la question des ambitions de son pays, Azat Muradov, le Secrétaire général du Comité national olympique, ne craint pas de répondre: « Nous allons utiliser ce premier grand événement pour nous tester et enrichir notre expérience. S’il se passe bien, nous postulerons pour des compétitions plus importantes. Les Jeux d’Asie, peut-être dès 2023. Puis les Jeux olympiques de la Jeunesse. Et même, un jour, les Jeux olympiques d’été. »
Réaliste? Allez savoir. Depuis que le président de la République, Gurbanguly Berdimuhamedov, a décrété que le sport pourrait contribuer à installer le Turkménistan sur la carte du monde, l’argent coule à flots et rien ne semble impossible. Pour l’instant, le pays construit les équipements. Mais il est également dans ses projets de recruter des entraîneurs étrangers, de financer l’envoi de certains de leurs athlètes dans d’autres pays, et d’attirer dans sa capitale médias et experts du monde entier. Les Turkmènes citent souvent l’exemple du Qatar comme un modèle à suivre. Ils en ont les moyens. Et un climat nettement plus propice aux performances.