Il était temps. Plus de deux mois après l’avoir envoyé au Premier ministre, la Cour des comptes a rendu public, jeudi 17 juin, un référé sur la gouvernance financière et budgétaire des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le document de 4 pages, signé par l’ancien ministre socialiste de l’Economie Pierre Moscovici, actuel président de la juridiction française, avait été adressé à Jean Castex le 9 avril dernier.
Le référé a fait suite à un rapport de 137 pages rédigé dès la fin de l’année passée. Dans sa version provisoire, il se révélait très critique à l’égard du comité d’organisation. Mais le document définitif, amendé après avoir entendu les réponses et précisions du COJO Paris 2024, se montre nettement plus sobre.
Précision : la Cour des Comptes s’est également penchée sur le cas de la SOLIDEO, l’établissement public chargé de la livraison des équipements pérennes des Jeux de 2024 (complexe nautique, villages des athlètes et des médias…).
Sur le fond, rien de très spectaculaire. S’exprimant à la première personne, Pierre Moscovici ne soulève aucun lièvre dans sa correspondance avec Jean Castex. Le contraire aurait été surprenant. Il se contente d’observations et de recommandations. Tony Estanguet et son équipe peuvent dormir tranquille.
Mais tout n’est pas pour autant parfaitement lisse. Le référé de la Cour des Comptes l’écrit en toutes lettres : « La convention globale qui doit régler les interventions du COJOP et de la SOLIDEO » n’a toujours pas été signée. Elle devra l’être, précise le document, avant la fin du 1er semestre 2021. Plus de temps à perdre, donc.
Le référé suggère également de « resserrer la coordination opérationnelle sous l’autorité du délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques (le préfet Michel Cadot) d’une part entre les services de l’État, d’autre part entre l’État, la Ville de Paris, le département de Seine Saint-Denis et, enfin entre le COJOP et la SOLIDEO. » Tout le monde devra donc marcher du même pas. Mission quasi impossible.
Le budget ? Pierre Moscovici pointe qu’il s’élève désormais à 7,3 milliards d’euros, porté par le COJO pour 3,9 milliards d’euros, et la SOLIDEO pour 3,4 milliards d’euros. Il rappelle que « le respect de ces enveloppes est un enjeu essentiel, en soi et comme l’un des critères de réussite des Jeux olympiques et paralympiques, notamment face aux attentes de l’opinion publique ». Refrain connu.
Le président de la Cour des Comptes le relève : l’objectif de 1,1 milliard d’euros de partenariats nationaux n’est atteint, début 2021, qu’à hauteur de 46 %. A trois ans de l »événement, rien de catastrophique. Mais le référé le suggère, le contexte économique lié à la crise sanitaire ne facilitera pas le travail du COJO dans sa recherche de sponsors, même si Tony Estanget a annoncé très récemment la signature prochaine de plusieurs nouveaux contrats.
Le document explique également que les recettes de billetterie, estimées à 1,5 milliard d’euros, « pourraient être affectées par les effets de long terme de la crise sanitaire. Aussi, il serait opportun que le COJOP teste, par précaution, des scénarios de redimensionnement de son budget, placé sous de plus fortes contraintes de ressources. » En clair, la Cour des Comptes invite les organisateurs à revoir une nouvelle fois leur copie, pour pointer toutes les économies possibles. Pas simple à ce stade de la préparation des Jeux.
Ces observations faites, la Cour des Comptes s’aventure à afficher cinq recommandations. Elles se révèlent assez techniques, notamment en termes de dépense fiscale, de « maquette financière » de la SOLIDEO, ou encore de consolidation des financements publics des ouvrages réalisés à l’occasion des Jeux.
A trois ans et quelques semaines de l’événement, alors que la crise sanitaire a encore plombé le budget déjà très inflationniste des Jeux de Tokyo, le COJO Paris 2024 avait tout à craindre d’un rapport de la Cour des Comptes. Il se révèle finalement très tendre, sur le fond comme sur la forme. Rassurant. On peut malgré tout s’interroger sur l’intérêt d’une telle démarche de la part des pouvoirs publics, sachant que le financement des Jeux (hors SOLIDEO) est assuré à 97 % par des recettes privées.