Pas de temps à perdre pour Alain Blondel. L’ancien athlète, champion d’Europe du décathlon en 1994, a rejoint le COJO Paris 2024 au printemps dernier en qualité de sport manager pour l’athlétisme. Aux Jeux de Tokyo, le Français a pris part au programme d’observation mis en place par le CIO pour les futures villes-hôtes. Une expérience unique, vécue pendant deux semaines, dans les coulisses des compétitions olympiques d’athlétisme. Il en a raconté à FrancsJeux les leçons et les enjeux.
FrancsJeux : Qu’aviez-vous en tête en participant au programme d’observation aux Jeux de Tokyo ?
Alain Blondel : Je voulais identifier les Jeux avec un regard de futur organisateur. Aller dans les coursives. Etre vigilant sur tout ce qu’on ne voit jamais. Déterminer ce que devrons faire ou ne pas faire. Prendre les photos des choses qui vont bien. Pendant deux semaines, j’ai noté les détails techniques à reproduire, mais aussi l’attitude des gens sur place. La façon de gérer les équipes, en amont, pendant et après. J’ai observé ce qui fonctionnait, ou ne fonctionnait pas.
Qu’avez-vous remarqué qui n’avait pas bien fonctionné ?
Des premières sessions n’étaient pas tout à fait prêtes. Quand ça démarre, ça va tellement vite qu’il faut avoir eu un niveau de formation et d’information sans faille. Sur deux sessions, les Japonais ont patiné. J’avais connu pareille situation aux championnats d’Europe 2014 à Zurich, mais là c’était extrême. Pour la session d’entraînement officielle avec le starter, deux jours avant le début des épreuves, les organisateurs ont été débordés car ils n’avaient pas prévu assez de transport pour toutes les personnes qui devaient venir.
A l’inverse, qu’avez-vous noté qu’il faudrait reprendre pour Paris 2024 ?
Sur les parties techniques, beaucoup de bonnes idées à reprendre, mais il est encore trop tôt pour les dévoiler. Mais l’aspect de l’organisation japonaise le plus impressionnant, et le plus difficile à réussir, a été leur gentillesse et leur capacité d’accueil. C’était phénoménal, quel que soit le contexte. Ils ont parfois patiné, mais pendant deux semaines ils ont été disponibles et prêts à me rendre service, toujours avec le sourire. Cette capacité d’accueil est extrêmement délicate à avoir et à garder dans des situations de stress extrême. Il y avait de la tension, mais ils ont été géniaux. J’ai vécu avec eux quelque chose de fabuleux.
La mise en scène a été très spectaculaire sur les épreuves d’athlétisme, notamment pour la présentation des finalistes, avec une projection de leurs visages sur la piste. Est-il prévu de la reproduire aux Jeux de Paris 2024 ?
La mise en scène dépend de World Athletics. Je connaissais le concept, il avait été présenté sur des meetings et aux Mondiaux de Doha en 2019, mais encore jamais dans la contexte très conservateur des Jeux olympiques. Les équipes japonaises et étrangères venues sur place ont extrêmement bien travaillé. Les retours que j’ai pu avoir sont très positifs. Les gens peu habitués à voir de l’athlétisme sur le terrain ont été très impressionnés. Après, le stade de Tokyo a fait la différence. Il est assez fabuleux, moderne dans sa conception, très bien conçu, avec beaucoup de place et de capacité de rangement.
Paris 2024 ne pourra pas disposer d’un tel atout au Stade de France…
La piste du Stade de France sera refaite, c’est prévu et intégré dans le planning. Les Jeux auront une piste neuve. Après, le Stade de France est ce qu’il est. Il y a 25 ans, il était l’un des plus modernes au monde. C’est un écrin. A nous de le mettre bien en évidence. Il est en travaux actuellement, pour une rénovation des infrastructures de base. Nous allons apporter nos idées, et une piste neuve, pour proposer des épreuves d’athlétisme à la hauteur de l’événement et des attentes.
Pourrez-vous disposer de la même piste qu’aux Jeux de Tokyo, un modèle innovant conçu par la société italienne Mondo ?
Il n’est pas encore acquis que ce soit le même fournisseur, car il y un appel d’offres et un processus à respecter. Mais nous allons travailler pour avoir le meilleur niveau de qualité possible.
Il a beaucoup été dit pendant les Jeux de Tokyo que cette piste pouvait expliquer l’avalanche de records et de grandes performances en athlétisme. Paris 2024 pourra-t-il faire aussi bien ?
La piste n’explique pas tout. Les chaussures ont également joué un rôle. Mais aussi les conditions climatiques, avec une chaleur très favorable au sprint et aux concours. Avec un tel climat, les muscles ne se refroidissent pas. Et puis, les athlètes étaient frustrés de compétition au plus haut niveau. J’ai ressenti chez eux une immense faim de championnats. Ils n’avaient pas eu de compétition de ce niveau depuis 2019, ce qui n’arrive plus jamais en athlétisme. A Paris 2024, nous serons dans un contexte différent, après une année 2022 incroyable (Mondiaux en plein air, Jeux du Commonwealth, championnats d’Europe), puis encore des Mondiaux en 2023 à Budapest. Mais dans trois ans, nous serons à Paris. Comme aux Jeux de Londres en 2012, tout le monde voudra être dans une forme incroyable. Tout le monde voulait briller en 2012 car les Jeux étaient à Londres. Il se passera la même chose en 2024 car les Jeux seront à Paris. Les athlètes vont se mettre dans des conditions de préparation où ils ne se laisseront pas la moindre marge d’erreur. A nous de les mettre dans les meilleures conditions techniques.