L’Afrique présentera-t-elle prochainement une candidature olympique ? En a-t-elle les moyens et la volonté ? FrancsJeux a posé la question à l’un des meilleurs connaisseurs africains des Jeux, le Sénégalais Diamil Faye. Un expert du mouvement olympique, président de l’agence Jappo, une société de conseil spécialisée dans les événements sportifs, recruté comme consultant par l’équipe de candidature de Tokyo 2020. Interview.
FrancsJeux: Verra-t-on une ville africaine faire acte de candidature pour les Jeux d’été en 2024 ou 2028 ?
Diamil Faye: Si l’Afrique veut organiser les Jeux olympiques, en 2024 ou même en 2028, elle doit s’y préparer dès maintenant et avoir un carnet de route précis. Bien sûr, le pays qui se lancera dans l’aventure devra réunir les moyens d’une candidature. Mais, au-delà de l’argent, il doit travailler sur les aspects relationnels et sur le message que l’Afrique veut donner.
L’Afrique du Sud n’a pas caché son projet de recevoir les Jeux. Est-ce aujourd’hui le seul pays africain capable de se lancer dans la course ?
Le seul, sans doute pas, mais à coup sûr le candidat idéal. Il sera difficile de trouver mieux, sur le continent, que l’Afrique du Sud. C’est le seul pays qui réunisse actuellement tous les paramètres: budget, infrastructures, niveau de participation…
La disparition de Nelson Mandela renforce-t-elle les chances de l’Afrique du Sud ?
Je crois, oui. Sam Ramsamy (membre sud-africain du CIO) était très proche de Nelson Mandela. Il s’est beaucoup battu pour faire revenir l’Afrique du Sud aux Jeux. Leur rêve commun était de gagner l’organisation des JO. Aujourd’hui, le plus bel hommage serait de les remporter à titre posthume, car Nelson Mandela incarnait à lui tout seul la Charte olympique. Sam Ramsamy le sait. Et il a raison de jouer cette carte.
Au-delà des Jeux, l’Afrique prépare-t-elle une ou ou plusieurs candidatures pour des événements majeurs du calendrier international ?
A ma connaissance, non. Et je le regrette. Le Nigéria voulait les Jeux du Commonwealth, mais le gouvernement actuel ne soutient plus cette idée. Il est dommage que l’Afrique ne se positionne pas pour les Jeux olympiques de la Jeunesse. Cet événement est fait pour ce continent. Singapour l’a organisé pour 380 millions de dollars. Avec des idées, on doit pouvoir le faire en dépensant moins.
Que manque-t-il à l’Afrique ?
Une volonté de se positionner grâce au sport sur la carte du monde.
Même en athlétisme ?
Oui. Il est regrettable que le Sénégal n’ait pas demandé à Lamine Diack (le président de l’IAAF) d’avoir les championnats du monde. Il va bientôt prendre sa retraite de dirigeant sans avoir vu un pays africain faire acte de candidature.
La France étudie actuellement la possibilité de présenter une candidature aux Jeux de 2024. Aurait-elle le soutien de l’Afrique ?
Si l’Afrique du Sud présente une candidature, il sera très compliqué pour les pays africains de soutenir un autre pays. Le continent toute entier fera bloc derrière le projet sud-africain. Dans le cas contraire, la question mérite d’être posée. Mais la France doit d’abord se demander comment gagner le soutien de l’Afrique. Depuis quelques années, la France a un peu abandonné le terrain. Il sera donc compliqué de dire aux pays africains de voter pour elle. Il lui faudra d’abord rétablir, sur le long terme, une coopération sportive. Certes, il existe aujourd’hui une association des comités nationaux olympiques francophones, où se retrouvent la France et de nombreux pays africains. Mais une association ne suffit pas. Il faut l’activer au quotidien.
Photo © Laurent Bagnis / Jappo