Sale temps pour le CIO. L’instance olympique a fait l’événement, en début de semaine, en publiant une photo d’un entretien entre son président, Thomas Bach, et la joueuse chinoise Peng Shuai, portée disparu pendant une vingtaine de jours après ses accusions de viol contre un haut dignitaire du parti communiste chinois. Mais son « scoop » se retourne aujourd’hui contre elle.
L’organisation Human Rights Watch a accusé très directement le CIO, mardi 23 novembre, de complicité avec le régime de Pékin dans une affaire à la portée désormais mondiale. Selon l’ONG, Thomas Bach aurait certes permis de savoir que la joueuse chinoise était en vie et en bonne santé. Mais la nature de leur échange, tel qu’il est rapporté par le communiqué officiel de l’instance, n’a convaincu personne. Ses manques, surtout, interrogent sur le rôle du CIO et sa position par rapport à la Chine sur la question des droits de l’homme.
Pour Sophie Richardson, la directrice pour la Chine de Human Rights Watch, le CIO a fait preuve d’un « remarquable manque de jugement » dans sa gestion de l’affaire Peng Shuai. Thomas Bach serait même coupable, à ses yeux, de « complicité active » avec le régime de Pékin.
« Le CIO a montré au cours des derniers jours à quel point il lui faut à tout prix maintenir les Jeux d’hiver de Pékin sur les rails, quel qu’en soit le coût humain« , a suggéré Sophie Richardson à l’occasion d’un point presse en ligne.
Que reproche-t-on au CIO et à Thomas Bach ? Leurs manques, pour l’essentiel. La conversation entre le dirigeant et la joueuse chinoise a été présentée, dans le communiqué de l’instance, comme un aimable échange de politesses et de sourires. Peng Shuai a remercié le CIO de s’inquiéter pour son état. Thomas Bach s’est félicité de la savoir en bonne santé, avant de l’inviter à dîner à l’occasion des Jeux de Pékin.
Sympa. Mais le CIO n’a abordé aucun des vrais sujets de l’affaire. Il n’a été question à aucun moment des accusations d’agressions sexuelles portées par Peng Shuai contre l’ancien Premier ministre chinois, Zhang Gaoli. Thomas Bach n’a pas demandé à la joueuse si elle avait eu droit à un avocat et souhaitait porter plainte. Il n’a pas non plus cherché à savoir si elle était surveillée, ou si elle faisait l’objet de pressions.
Soyons clairs : le contraire aurait été surprenant. A moins de 100 jours de l’ouverture des Jeux de Pékin, il était difficile de s’attendre de la part du CIO à une prise de position critique contre le régime chinois. La présence pour cet entretien, en plus de Thomas Bach et de la Finlandaise Emma Terho, la présidente de la commission des athlètes, de la Chinoise Li Lingwei, membre du CIO et dirigeante multicarte du mouvement olympique dans son pays, le laisse supposer : l’échange en vidéo avec Peng Shuai a été mené sous le contrôle de la Chine.
A l’évidence, il n’a convaincu personne. A commencer par la WTA. L’Association des joueuses professionnelles de tennis, passée à l’offensive dans l’affaire Peng Shuai après avoir fait preuve d’un attentisme suspect, a fait savoir que les récentes images de la Chinoise en public et sa conversation en vidéo avec Thomas Bach, n’atténuaient pas ses « préoccupations » à son sujet. La WTA relève notamment que l’échange avec le président du CIO n’en dit pas beaucoup plus sur la « capacité de Peng Shuai à communiquer sans censure ou coercition« .