Tous les voyants le confirment : l’heure est à la réduction des coûts, à la durabilité et à l’héritage dans le mouvement sportif international. Le CIO montre la voie. Les autres suivent. La tendance n’a rien d’un effet de mode, elle ne devrait pas être inversée.
Mais qu’en est-il des enceintes sportives ? FrancsJeux a interrogé Oliver Page, le directeur du développement international de l’agence d’architecture et d’urbanisme SCAU, basée à Paris. Elle a participé au sein d’un groupement d’entreprises 100 % françaises, mené par Sogea-Satom (Vinci Construction), à la réalisation du stade de Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire. L’équipement a été livré l’an passé, avec des tribunes fournies par Alcor Equipements. L’enceinte de 20.000 places sera utilisée l’an prochain pour la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) 2023 en Côte d’Ivoire.
FrancsJeux : Comment êtes-vous parvenu à décrocher le marché de la conception du stade de Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, l’une des enceintes de la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) en 2023 ?
Oliver Page : Nous avons travaillé très en amont, en créant plus d’une année avant l’ouverture du marché un groupement franco-français mené par Sogea-Satom. Face à la concurrence chinoise, dont nous savions qu’elle proposerait une offre à moindre coût, nous avons mis en avant notre expérience des enceintes sportives, l’expertise française, le savoir-faire et la qualité d’ouvrage. En 2017, nous nous sommes rendus en Côte d’Ivoire, pendant les Jeux de la Francophonie à Abidjan, au sein d’une délégation du Medef présente à l’occasion des rencontres sur la ville durable en Afrique. Paris était alors en campagne pour les Jeux d’été en 2024. La délégation était importante. L’appel d’offres pour la conception, la construction et le financement du stade de Yamoussoukro est sorti à ce moment-là. Nous nous sommes trouvés au bon endroit au bon moment.
Quel type de stade voulaient les Ivoiriens pour la Coupe d’Afrique des Nations ?
Le cahier des charges était assez succinct, il tenait sur une dizaine de pages. Nous avons cherché à appliquer les standards de la FIFA et l’UEFA, mais en réfléchissant beaucoup à l’héritage, notamment en termes de maintenance une fois l’événement terminé. Nous avons donc recherché un équilibre entre ces deux aspirations, en réduisant par exemple le nombre de places en dur. Le terrain sur lequel allait s’élever le stade avait la particularité de présenter un dénivelé de plusieurs mètres. Avec Sogea-Satom, nous avons imaginé encaster une partie des tribunes dans une sorte d’amphithéâtre naturel. Dans notre projet, seule la tribune principale de 10.000 places était construite en dur. Le reste était démontable. Après la fin de la CAN, il pouvait être réutilisé ailleurs dans le pays, la Côte d’Ivoire ayant un grand besoin de stades de proximité. Nous avons également imaginé la présence dans le stade de Yamoussoukro de locaux pouvant servir toute l’année, par exemple pour une école de management du sport. Enfin, notre projet prévoyait une toiture sur l’ensemble des tribunes, avec l’idée que tous les spectateurs, du plus modeste au plus illustre, devaient être égaux et protégés en cas d’intempéries.
Votre proposition a-t-elle séduit les Ivoiriens ?
Nous avons remporté le marché. Le stade a été construit et livré par notre groupement franco-français. Mais sa version définitive est assez éloignée de notre projet initial. Le client voulait un stade entièrement en dur. Il ne souhaitait pas de temporaire. Nos idées n’ont pas été concrétisées, mais nous continuons à pousser dans ce sens.
L’exemple du stade de Yamoussoukro suggère-t-il que la démarche actuelle des instances du mouvement sportif international, en faveur d’une réduction des coûts et d’un héritage durable, ne touche pas encore les enceintes sportives ?
Les grandes institutions sportives commencent à avoir cette réflexion. La FIFA, notamment. Elles se mettent à penser à des enceintes modulables. Pour le Mondial de football 2022 au Qatar, par exemple, certains stades passeront de 45.000 à 20.000 places une fois la compétition terminée. Mais l’effet de cascade entre les instances internationales et les maîtres d’ouvrage prend du temps.
Vivons-nous actuellement une époque charnière pour la conception et la construction des grandes enceintes sportives ?
La crise sanitaire a sans doute accéléré le processus, avec des stades longtemps privés de spectateurs. Dans le domaine des enceintes sportives, l’Afrique suit l’Europe, l’Europe suit l’Angleterre, et l’Angleterre suit les Etats-Unis. On constante que deux tendances s’affrontent actuellement, pas forcément compatibles. La première, inspirée par le modèle américain, consiste à concevoir des stades où l’expérience du spectateur est sans cesse renforcée. Aux Etats-Unis, les gens payent parfois très cher leurs billets, ils veulent en échange un spectacle, au-delà du sport. Le stade n’est pas isolé, il est entouré de tout un environnement, notamment commercial. L’autre tendance, plus européenne, va dans le sens d’enceintes aux coûts maîtrisés, avec une forte notion d’héritage.
Existe-t-il aujourd’hui un stade, parmi les plus récemment construits, qui incarne le mieux cette dernière tendance ?
Notre futur stade du Red Star à Saint-Ouen, en banlieue parisienne. Il a été conçu pour jouer un rôle moteur dans le développement et l’attractivité de la ville. Il en est un acteur majeur, le catalyseur d’un vaste programme urbain. Le stade est ancré dans la ville et ouvert sur la ville. Il dispose par exemple de 30.000 m2 d’espaces à usage mixte. Avec cet exemple, nous cherchons à montrer qu’il est possible aujourd’hui de construire des stades qui deviendront des morceaux d’une ville. Le concept peut s’adapter à toutes les tailles et toutes les demandes.