La Suisse croit-elle encore en son avenir olympique ? La question planera au-dessus des bureaux de vote, dimanche 3 mars 2013, dans le canton des Grisons. Sa population doit se décider, par référendum, sur l’opportunité pour la station de Saint-Moritz de déposer une candidature à l’organisation des Jeux d’hiver de 2022. Au dernier pointage, les avis seraient très partagés. Une très légère majorité semble même se dégager en faveur du non. Précision : en cas de victoire du oui, il faudrait encore aux deux Chambres (Conseil national et Conseil des Etats) à se prononcer sur un crédit d’engagement et sur une garantie de déficit. Autant dire que rien n’est fait.
A en croire Jacques Rogge, le canton des Grisons devrait tenter l’aventure. Le président du CIO a assuré, dans une interview au Sonntags Blick, qu’une candidature de Saint-Moritz aurait « toutes les chances d’aboutir et serait favorite. » Ses atouts ne manquent pas, veut croire le dirigeant belge, à commencer la beauté de ses paysages, la stabilité de son régime politique, la puissance de son économie et la qualité de ses infrastructures. A la question des faiblesses du dossier, Jacques Rogge a cherché un moment, avant de répondre : « A ce jour, je n’en vois pas. »
Et pourtant, la partie ne semble pas gagnée d’avance pour les porteurs du projet. Fred Hirzel, journaliste au quotidien Le Temps, a cherché à en comprendre les raisons dans un excellent article intitulé « La Suisse et le CIO, le grand désamour ». Après avoir sondé quatre experts de l’olympisme, dont un membre anonyme du CIO, il avance une batterie d’explications. Citons, en vrac, un soutien populaire souvent trop timoré, une volonté politique molle ou mal exprimée et un contexte peu favorable à l’idée de Jeux d’hiver à la montagne (depuis Nagano 1998, toutes les éditions se sont déroulées dans des grandes villes).
Surtout, le pays serait trop frileux. « La Suisse a trop peur des risques, assure le membre du CIO interrogé par Le Temps. Elle manque de courage. Un oui du bout des lèvres ne suffira pas. » Jean-Pierre Seppey, le chef de projet de la candidature de Berne pour le Jeux de 2010, confirme : « La Suisse, l’un des pays les plus riches au monde, se cache derrière une loi fédérale (le frein à l’endettement), afin de n’assumer qu’une garantie de déficit limitée, alors que chaque pays candidat aux JO a toujours décidé d’offrir une garantie illimitée. Notre attitude constitue un point extrêmement faible aux yeux du CIO. »
La retenue suisse, politique comme populaire, s’explique sans doute par l’histoire. Les deux candidatures de Sion, pour 2002 et 2006, ont été battues respectivement par Salt Lake City et Turin. Celle de Berne 2010 a été rejetée par référendum. Même tentatives avortées pour Zurich 2014 et Genève 2018.
En cas de victoire du non, dimanche 3 mars, le projet des Grisons serait enterré. La voie serait libre pour la foule des postulants aux Jeux de 2022, d’où émergent Munich, Barcelone, Oslo et Cracovie. Ce serait dommage.