Les Jeux de Paris 2024 inspirent les éditeurs. Déjà. A un peu plus de 800 jours de l’événement, un premier livre dédié au rendez-vous olympique et paralympique vient de sortir en librairie, « Paris 2024, un défi français ».
Son auteur, Vincent Roger (photo ci-dessus), connait le sujet de l’intérieur. Il a occupé pendant quatre ans, entre 2017 et 2021, le poste de délégué spécial de la région Île-de-France aux Jeux olympiques et paralympiques. Il a répondu aux questions de FrancsJeux.
FrancsJeux : A presque 800 jours de l’événement, les Jeux de Paris 2024 ressemblent-ils toujours au projet présenté en phase de candidature ? Le reconnaissez-vous ?
Vincent Roger : Les grandes lignes du projet restent d’actualité, presque cinq ans après la désignation de Paris par la session du CIO à Lima. La compacité des sites, avec un minimum de distances pour les athlètes et les spectateurs. La vocation sociale et sociétale des Jeux, notamment en Seine-Saint-Denis, un département où le bouleversement va être profond dans les dix années à venir. Le développement de la pratique sportive. Une nouvelle conception des Jeux, également. Ils seront les premiers Jeux paritaires de l’histoire, les premiers à s’inscrire dans le cadre des accords de Paris pour le climat…. L’esprit reste le même, même si des ajustements ont été nécessaires. Par rapport à la phase de candidature, entre 2015 et 2017, certains éléments ont dû évoluer, notamment sur les sites. Mais l’évolution a été positive. Le projet autour de la colline d’Elancourt par exemple, où seront disputées les épreuves de VTT, se révèle aujourd’hui beaucoup plus ambitieux en termes d’héritage et de respect de l’environnement que celui du dossier de candidature.
L’évolution du projet et la nouvelle carte des sites n’ont-elles été réalisées au détriment de la Seine-Saint-Denis ?
Non. La Seine-Saint-Denis reste au cœur du dispositif. Elle sera la première bénéficiaire de l’héritage des Jeux de Paris 2024. Les chiffres le prouvent : 80 % des investissements publics liés aux Jeux concernent ce département ; 75 % du budget de la SOLIDEO (Société de livraison des ouvrages olympiques) lui sont dédiés ; 23 % des épreuves olympiques et 37 % des épreuves paralympiques vont se dérouler en Seine-Saint-Denis ; le village des athlètes laissera en héritage 2.700 logements sur les trois communes concernées. Certes, la natation course a été déplacée dans les Hauts-de-Seine, à Paris La Défense Arena, mais le Centre aquatique olympique – plongeon, natation artistique et water-polo – est construit en Seine-Saint-Denis. Il constitue l’un des principaux ouvrages des Jeux. Un plan piscine est dédié au département. Beaucoup d’aménagements urbains sont prévus dans le cadre des Jeux : échangeur autoroutier, murs anti-bruits… Le comité d’organisation lui-même s’est installé en Seine-Saint-Denis.
Que révèle selon vous le refus d’un certain nombre de départements français de payer au comité d’organisation une participation financière – 150.000 euros HT – pour le passage dans leur territoire du relais de la flamme ?
Le comité d’organisation se mobilise pour les territoires, notamment à travers le label « Terre de Jeux » – qui est une première dans l’histoire – la tournée des drapeaux, le partenariat avec le programme « Cœur des territoires » pour développer le design actif sportif dans villes médianes. Le relais de la flamme s’inscrit dans cette dynamique. La flamme est le symbole de la transmission, un marqueur pour notre jeunesse. L’ambition des organisateurs est d’associer tout le pays à ce moment festif, dont les retombées pour les territoires seront nombreuses. Toutes les régions ont décidé d’y participer, les deux tiers des départements ont déjà donné leur accord. Le coût de l’opération est important, mais il est en grande partie pris en charge par le COJO. Si ces refus sont d’ordre financier, je forme le vœu que les organisateurs et l’ADF (Assemblée des départements de France) trouvent une solution. S’ils sont d’ordre politicien, voire idéologique, alors c’est bien dommage.
La campagne présidentielle vient de se terminer sans que le sujet Paris 2024 n’ait vraiment été abordé par les candidats. Trois d’entre eux, Anne Hidalgo, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, ont pourtant été très directement impliqués depuis la phase de candidature…
C’est une constante dans les élections françaises : le sport est rarement évoqué. Les Jeux de Paris 2024 n’ont pas représenté un sujet de polémique lors de la campagne électorale. On ne peut que s’en réjouir. La phase de candidature avait affiché une union nationale autour du projet. Elle n’a pas disparu, mais elle s’est estompée, en raison notamment de la pandémie de la COVID-19 et des élections successives, municipales, régionales et présidentielles. Il faut maintenant réanimer la flamme de Lima 2017. Je ne doute pas qu’Emmanuel Macron trouvera les mots et prendra les initiatives nécessaires pour raviver cet esprit et cet élan.
A 800 jours de l’ouverture, quel est le principal défi à relever ?
L’élection présidentielle a confirmé que la France était fracturée et divisée. Elle a besoin de projets collectifs. Les Jeux de Paris en sont un, sans doute le meilleur possible. La cérémonie d’ouverture en plein Paris, sur la Seine, sera le plus grand événement jamais organisé dans notre pays. Le défi, pour les deux années à venir, sera de rassembler tout le monde autour de ce projet collectif.
Comment ?
Les Jeux ne sont pas seulement un événement sportif, ils sont aussi par essence un projet politique. Au sens noble du terme. Au sens de servir le bien commun. C’est pourquoi les acteurs publics, en partenariat avec le COJO, doivent écrire un récit commun autour de Paris 2024. Aujourd’hui, il est sans doute la pièce manquante pour embarquer la population derrière le projet. Cependant il est bien compréhensible que les événements très imprévus et douloureux de ces deux dernières années – la pandémie mondiale et la guerre en Ukraine – aient détourné leur regard des Jeux olympiques et paralympiques. Mais il faut maintenant reprendre un travail collectif pour proposer au pays un récit national et une vision globale. Ces Jeux devront mettre en avant une France innovante et accueillante, pas seulement les images iconiques d’une France musée. Ils sont surtout l’occasion de construire une nation sportive autour de trois piliers : l’éducation, la santé et l’intégration républicaine.