Le CIO en fait peu de publicité. L’instance olympique enveloppe même l’opération d’un vernis de mystère et de confidentialité. Mais une équipe dite « technique » envoyée de Lausanne, composée de trois experts à l’identité tenue secrète, se promène depuis plusieurs semaines d’une ville candidate aux Jeux d’hiver 2030 à une autre.
Le trio d’émissaires du CIO a débuté sa tournée le mois dernier à Salt Lake City, dans l’Utah. Puis il a fait étape à Vancouver, en Colombie-Britannique. Il est attendu à Sapporo, au Japon, avant la fin du mois de mai. Son escale en Espagne – Barcelone et les Pyrénées – était prévue à la mi-mai. Elle a été annulée à la demande du Comité olympique espagnol (COE), le projet étant encore trop mal embouché pour être présenté à des experts de l’instance olympique.
Officiellement, cette tournée des popotes n’entre pas réellement dans le processus de sélection de la future ville-hôte des Jeux d’hiver. Elle se veut seulement technique. Les experts partis de Lausanne ont pour seule mission d’aider les potentiels candidats à affiner leur dossier.
Anecdotique, donc ? Oui et non. Certes, recevoir des envoyés du CIO n’est jamais anodin pour Salt Lake City, Vancouver et Sapporo, même si la délégation d’experts ne compte aucun représentant de la commission de futur hôte des Jeux d’hiver. Cette visite est prise très au sérieux, dans l’Utah, en Colombie Britannique et dans la préfecture d’Hokkaido.
Mais le CIO et les porteurs des projets le savent : la bataille se jouera sur un tout autre terrain. Elle pourrait même se décider dans la rue. Avec un arbitre au rôle décisif : le référendum.
Depuis les Jeux d’hiver de Sotchi en 2014 et leur facture à plusieurs dizaines de milliards de dollars, les consultations populaires sur les candidatures olympiques ne réservent aucune surprise. Leur résultat est toujours le même : le non l’emporte. Les opposants aux Jeux ont ainsi renvoyé par le fond les rêves olympiques de Sion 2026, Hambourg 2024, Calgary 2026…
A une année de la probable décision du CIO quant à l’hôte des Jeux d’hiver 2030, annoncée pour la session de Mumbai en mai 2023, la question du référendum n’est pas abordée par le même bout par tous les postulants.
Le maire de Sapporo, Katsuhiro Akimoto, a déjà annoncé que la candidature n’en passerait pas par les urnes. Prudent et pragmatique, il a expliqué que les enquêtes d’opinion réalisées au cours des derniers mois suffisaient à montrer un soutien de la population. Elles affichent un taux d’opinion favorable entre 52 % et 65 %.
Pas de référendum non plus à Salt Lake City. Mais les Américains n’ont toujours pas encore officiellement décidé s’ils étaient candidats aux Jeux d’hiver en 2030 ou en 2034.
Au Canada, le conseil municipal de Vancouver a écarté le mois dernier l’idée d’inclure une question sur la candidature olympique lors des prochaines élections locales, prévues au mois d’octobre. Mais il n’est pas encore acquis que le projet se passerait à coup sûr d’un référendum.
En Espagne, en revanche, la candidature de Barcelone et des Pyrénées devra obtenir le feu vert de la population. La consultation est déjà inscrite au calendrier : elle se déroulera le 24 juillet. A condition, toutefois, que les tensions politiques entre la Catalogne et l’Aragon n’aient pas déjà réduit le projet en poussière.
Par principe, un référendum olympique est toujours un exercice périlleux. Dans le cas de Pyrénées-Barcelone 2030, il s’annonce plus que risqué. Les derniers événements le démontrent : l’opposition s’organise et se fait entendre.
Plusieurs milliers de personnes sont descendues dimanche dernier dans les rues de Puigcerdà, une ville de moins de 10.000 âmes située en Catalogne, à la frontière franco-espagnole (photo ci-dessus). Les manifestants ont défilé en brandissant des banderoles portant le slogan « Pour des Pyrénées vivantes, stop aux Jeux olympiques« . En tête de cortège, les militants anti-Jeux olympiques.
Organisée à l’initiative du groupe Stop JJOO, la manifestation a rassemblé 2.000 personnes selon la police, 5.000 selon ses instigateurs. Le camp des opposants suggère que les Jeux en 2030 engloutiraient des moyens et des ressources considérables dans une région où l’avenir des sports d’hiver est très menacé par le réchauffement climatique. Ils estiment que l’événement olympique et paralympique détournerait l’attention des autorités et des investisseurs du véritable enjeu des prochaines années : l’avenir du tourisme dans une région où la neige se fera de plus en plus rare.
Les meneurs de la fronde préviennent : en cas de maintien de la candidature, ils voteront en masse contre le projet lors du référendum du 24 juillet.