A quelle sauce sera mangé le basket-ball aux Jeux de Paris 2024 ? A moins de 800 jours de l’ouverture, la question devrait être tranchée depuis des lustres. Elle ne l’est toujours pas. Elle a même pris place en première position des dossiers les plus chauds du moment pour le comité d’organisation.
Mercredi 8 juin, Tony Estanguet s’est rendu à Lausanne, pour présenter un état de la préparation des Jeux de Paris 2024 devant l’assemblée générale de l’Association des fédérations internationales des sports olympiques d’été (ASOIF). L’exercice s’annonçait anodin. Sans grand danger pour le président du COJO, habitué à recevoir les éloges du mouvement olympique pour sa maîtrise des coûts, ses efforts pour la durabilité et la rigueur de son tableau de marche.
Mais la prise de parole de Tony Estanguet devant l’ASOIF a tourné à la passe d’armes avec le secrétaire général de la Fédération internationale de basket-ball (FIBA), le Grec Andreas Zagklis. Un échange musclé, où chacune des deux parties a campé sur sa position, sans montrer la moindre envie de céder ou accepter les concessions.
Au coeur du débat, le site du tournoi préliminaire. Initialement prévu au Hall 6 du Parc des Expositions de la Porte de Versailles, au sud de Paris, il doit être re-localisé. La FIBA jugeait le lieu trop bas de plafond, mal éclairé et mal ventilé, peu en accord avec les standards de la discipline. Face à la fronde de plusieurs joueurs français de NBA, dont Evan Fournier et Rudy Gobert, le COJO Paris 2024 a cédé.
Aux oubliettes, donc, le Hall 6 du Parc des Expositions. Reste à trouver un plan B, un site de compétition pour le tournoi préliminaire qui séduise la FIBA, contente les joueurs, ne menace pas le budget du COJO, n’oblige pas non plus à déloger de force un autre sport du programme. Autant vouloir résoudre la quadrature du cercle.
Après avoir analysé dans tous les sens la carte actuelle du dispositif, reçu et écarté une poignée de candidatures de villes de province (Lyon, Orléans…), le COJO Paris 2024 a sorti de sa musette une alternative crédible : le stade Pierre-Mauroy de Lille (photo ci-dessus). Un toit rétractable, 25.000 places, moderne et fonctionnel, deux heures de route du nord de Paris. Choisi comme terrain de jeu du tournoi de handball pour les Jeux de Paris 2024, il a déjà accueilli la phase finale de l’Eurobasket en 2015.
Seul ennui, mais de taille : la FIBA n’en veut pas. Andreas Zagklis l’a expliqué mercredi 8 juin devant ses collègues de l’ASOIF, en s’adressant à Tony Estanguet : « Nous estimons que nos athlètes ne devraient pas être soumis aux conditions actuellement proposées. Nous pensons que certaines conditions de base pour nos joueurs, comme lors de toutes les olympiades précédentes, devraient être respectées ».
Le secrétaire général de la FIBA s’est montré très clair : déplacer le tour préliminaire à Lille empêcherait les joueurs, et les joueuses, de séjourner au village des athlètes pendant la première partie des Jeux. L’éloignement les contraindrait à des temps de transport de plusieurs heures. Il a également interrogé le COJO sur les conditions de jeu « pendant les jours les plus chauds de l’été« , à savoir un parquet sûr, mais aussi les possibilité de récupération et de restauration des équipes.
Pour la FIBA, le basket-ball doit rester dans la capitale, du premier au dernier jour. L’éloigner en province, même dans une enceinte de la qualité du stade Pierre-Mauroy de Lille, n’est pas acceptable. Andreas Zagklis l’a suggéré : faute de trouver un accord, le tournoi olympique pourrait avoir à tirer un trait sur la présence des joueurs de NBA.
Visiblement préparé à l’offensive de la FIBA, Tony Estanguet a répondu. Mais sans perdre un pouce de terrain. « Tout le monde aimerait jouer dans le centre de Paris, a expliqué le président du COJO. Je respecte vos préoccupations. Je peux vous garantir que le basket est important et populaire en France. Mais nous devons nous adapter, pour maintenir l’ambition, en concordance avec nos limites budgétaires. C’est pourquoi nous étudions ensemble le meilleur compromis. Nous devons trouver des solutions collectives, acceptables pour vous en premier lieu, mais en même temps pour les parties prenantes de l’organisation, ainsi que l’opinion publique. Mais vous pouvez compter sur nous pour faire du mieux possible. »
Le bras de fer s’annonce musclé. D’un côté, une fédération internationale consciente de la valeur de son produit – le premier sport collectif du programme olympique en termes d’impact planétaire et médiatique – déterminée à rester au coeur des Jeux, dans un site à la hauteur de ses attentes. De l’autre, un comité d’organisation confronté à des contraintes budgétaires, et résolu à ne pas se laisser entraîner dans un jeu de dominos aux effets incertains.
Le président de l’ASOIF, l’Italien Francesco Ricci Bitti, l’a suggéré en fin de journée en conférence de presse : le CIO pourrait jouer un rôle d’arbitre entre les deux parties. « Je crois qu’il y aura un compromis, a-t-il expliqué. A la fin de l’histoire, le CIO prendra le lead et suggérera quel type de solutions seront utilisées pour ces Jeux. Il faudra faire vite car il est déjà très tard. »
Le CIO, donc, en conciliateur. Au plus vite, car le COJO est censé proposer un plan B pour le basket-ball lors de la prochaine réunion de son conseil d’administration, le 12 juillet. Pas sûr que l’instance olympique ait très envie de jouer un tel rôle.