La décision a pu passer inaperçue, éclipsée par les sanctions décidées ou à venir contre l’Inde, la Guatemala et la boxe. Mais elle est d’importance. Et même, allez, déterminante pour l’avenir des Jeux olympiques.
La commission exécutive du CIO a approuvé vendredi 9 septembre, au deuxième jour de sa cinquième et avant-dernière réunion de l’année, le « cadre stratégique en matière de droits humains« . Le document d’une cinquantaine de pages, longtemps attendu, est le fruit d’un travail de plusieurs années. Il est censé « façonner en profondeur les pratiques de travail du CIO, des Jeux olympiques et du mouvement olympique, en veillant à ce que les droits humains soient respectés en application de leurs mandats respectifs. »
Formulé plus simplement, le document fixe un cadre précis à ce qui est admis, et surtout ce qui ne l’est pas, en matière de droits de l’homme aux Jeux olympiques et dans le mouvement du même nom.
Le CIO le précise dans un long communiqué : sa nouvelle approche « guidera les processus et décisions liés à la sélection des futurs hôtes et à l’organisation des Jeux olympiques, ainsi qu’à la représentation des athlètes et à la pratique d’un sport sûr et inclusif. » En clair, les candidats aux Jeux devront entrer dans le cadre, sur la question des droits humains, sous peine d’être recalés avant même la phase de dialogue.
Le cadre a été élaboré sur la base des recommandations adressées en mars 2020 par le Prince Zeid Ra’ad Al Hussein, ancien haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, et Rachel Davis, vice-présidente et co-fondatrice de Shift, le centre de compétences spécialisé dans les « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies« .
Un progrès ? A coup sûr. Seul ennui, la résolution adoptée la semaine passée par la commission exécutive du CIO intervient un peu tard. Elle devient une réalité plus de six mois après les Jeux d’hiver de Pékin, où la question des droits de l’homme, dont le traitement de la communauté des Ouïghours par le régime chinois, a soulevé son lot de questions et alimenté les critiques.
Hasard ou pas, la décision de la commission exécutive du CIO est intervenue une semaine après la publication par Michelle Bachelet, en charge des droits de l’homme aux Nations Unies, d’un rapport suggérant que la détention par la Chine des Ouïghours et d’autres groupes ethniques pourrait constituer un crime contre l’humanité.
Question : la nouvelle ligne de conduite du CIO sur les droits humains modifiera-t-elle la donne aux prochains Jeux, hiver comme été ?
A court et moyen termes, sûrement pas. Avec Paris en 2024, Milan-Cortina deux ans plus tard, puis Los Angeles 2028 et Brisbane 2032, le CIO s’est offert une longue période de tranquillité. Le respect des droits humains ne devrait pas faire polémique.
Même scénario pour les Jeux d’hiver en 2030, où les trois potentiels candidats – Sapporo, Vancouver et Salt Lake City – présentent peu de risque d’inverser la tendance. Pour la suite, en revanche, tout est possible. En vertu de son nouveau « cadre stratégique« , le CIO n’est plus censé pouvoir accorder les Jeux, et même considérer une candidature, à un pays qui ne se montrerait pas exemplaire sur les droits humains.
L’Arabie saoudite, notamment, pourrait voir ses projets étouffés dans l’oeuf, malgré la volonté du royaume de considérer les Jeux olympiques comme « l’objectif ultime« . Le document adopté la semaine passée par la commission exécutive le précise en effet en toutes lettres : l’engagement en faveur des droits de l’homme ambitionne également de garantir un sport sûr et ouvert à tous, sans discrimination à caractère sexuel.
Interrogé en conférence de presse sur l’impact à venir pour les candidatures, Thomas Bach s’est montré vague, voire fuyant. « De quels pays parle-t-on ? Quelles seront les conditions dans ces pays d’ici là ?, a suggéré le dirigeant allemand. Il s’agit d’une simple spéculation et nous ne pouvons donc pas aller sur ce terrain. » Pas encore.