La question dépasse largement le cadre d’un événement sportif, mais elle occupe déjà les conversations du mouvement olympique à moins de 600 jours des Jeux de Paris 2024. Doit-on privilégier le confort ou préférer la durabilité ? Formulé autrement : faut-il climatiser ou respecter la promesse d’un bilan carbone neutre ?
Au village des athlètes (photo ci-dessus), dont la livraison est annoncée pour la fin de l’année 2023, la réponse était connue. Mais elle pourrait changer. Dans son cahier des charges remis à la SOLIDEO (Société de livraison des ouvrages olympiques), le COJO avait précisé qu’il n’était pas prévu de climatiser les chambres des athlètes. A la place, une utilisation massive de matériaux dédiés à la performance énergétique. Priorité à la lutte contre le réchauffement climatique.
Démarche louable, en accord avec les engagements du CIO en matière de durabilité. Problème : la France a connu l’an passé le deuxième été le plus chaud de son histoire, avec plusieurs épisodes de canicule. Et le scénario d’une nouvelle vague de fortes chaleurs pendant les prochains Jeux olympiques ne peut pas être écarté.
Nicolas Ferrand, le directeur général de la SOLIDEO, a été interrogé sur la question mardi 17 janvier, à l’occasion d’un point presse sur le chantier du futur village olympique. Réponse : « Nous, nous construisons des chambres où il fera moins 6 degrés par rapport à la température extérieure« . Tel était l’engagement pris contractuellement avec le COJO en 2019, avant le début des travaux.
Le calcul est facile : les chambres des athlètes pourraient afficher 32°, voire deux ou trois degrés supplémentaires, en cas de canicule. Des conditions peu propices au sommeil et à la récupération.
Nicolas Ferrand le reconnait : le seul changement possible, à ce stade de la préparation des Jeux et de la construction du village, passerait par la climatisation. « Mais le bilan carbone ne serait plus le même, admet-il. C’est une question de société. Est-ce que collectivement on accepte d’être à moins 6 degrés et d’avoir un excellent bilan carbone, ou alors on dit ça ne va pas, et on est prêt à dégrader le bilan carbone« .
La réponse ne lui appartient pas. Elle viendra du COJO Paris 2024. Sacrifiera-t-il ses promesses d’un événement olympique exemplaire sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique ? Officiellement, les organisateurs assurent « travailler sur le sujet« . Les solutions alternatives sont à l’étude, dont l’utilisation de ventilateurs. Une discussion est menée avec la commission des athlètes.
Mais la pression pourrait bientôt s’intensifier. Un « acteur influent du mouvement sportif« , cité par l’AFP sous couvert d’anonymat, explique : « Le COJO veut un projet écologique, mais là il se confronte à la réalité. C’est clairement un sujet la température dans les chambres. Imaginez plusieurs jours d’affilée à plus de 40 degrés, dans des chambres à 34 degrés. Il y a des fédérations qui tentent déjà de trouver des solutions de repli, d’essayer de se loger ailleurs. S’ils continuent comme ça, ils vont vider le village« .
La prédiction est prématurée. Mais les prochains mois s’annoncent délicats pour le COJO, avec la perspective d’une réunion à Paris des chefs de mission des délégations étrangères. Elle est prévue du 15 au 17 juillet 2023, soit quasiment à la période des Jeux une année plus tard. Au programme, une visite du village des athlètes. La question des conditions de séjour sera sans doute posée.
Pour rappel, le CIO avait imposé aux autorités de Tokyo un déplacement des épreuves de marche et du marathon vers Sapporo, pour les derniers Jeux d’été, afin de réduire le risque de fortes chaleurs pendant les compétitions. L’initiative n’a pas été neutre sur le bilan carbone de l’événement, contraignant notamment les équipes, les officiels et les médias à des aller-retours en avion entre la capitale et la préfecture d’Hokkaido.
A l’époque, l’instance olympique avait mis en avant le respect des athlètes et de leurs conditions de compétition.