Le bras de fer continue entre la Fédération internationale de boxe (IBA) et le CIO. Il se poursuit et s’intensifie, jusqu’à prendre une tournure quasi surréaliste.
L’instance présidée par le Russe Umar Kremlev a pris tout le monde par surprise, et plongé les boxeurs dans un abîme d’incompréhension, lundi 20 février, en dévoilant son processus de qualification aux Jeux de Paris 2024. Dans tout autre sport, la démarche n’aurait rien eu de très incongru. Dans la boxe, elle a l’air d’une mauvaise blague.
Suspendue du mouvement olympique depuis le mois de mai 2019, l’IBA (elle portait encore à l’époque le nom d’AIBA) a été privée du droit de mettre son nez dans l’organisation des compétitions olympiques, mais également dans le processus de qualification. La sanction a concerné dans un premier temps les Jeux de Tokyo 2020, où une task force du CIO dirigée par le Japonais Morinari Watanabe – le président de la Fédération internationale de gymnastique – avait pris le dossier à sa charge. Elle a été confirmée pour les Jeux de Paris 2024.
En vertu d’une décision de la commission exécutive du CIO prise en septembre dernier, l’IBA doit donc se tenir à l’écart du prochain tournoi olympique, de sa préparation et de ses étapes de qualification. Ses compétitions internationales, dont les Mondiaux féminins et masculins, n’entrent pas dans le parcours qualificatif pour les Jeux de Paris 2024.
L’affaire semblait réglée. Mais l’IBA a expliqué lundi 20 février, via un long communiqué, avoir « pris sur elle, en sa qualité d’organe directeur international de la boxe, de fournir un processus clair et une voie pour que ses athlètes se qualifient pour Paris 2024. » Une initiative que l’instance justifie par les « nombreux retards dans l’annonce d’un processus clair du CIO » pour la dite qualification aux Jeux.
En clair, l’IBA suggère que, le CIO ayant manqué à son devoir, il lui revient aujourd’hui la responsabilité de reprendre en mains le sujet olympique. « Une étape nécessaire pour protéger nos athlètes, écrit l’instance, car le processus de qualification proposé par le CIO, qui consiste en une seule compétition, n’est ni acceptable ni équitable pour les athlètes. Exclure les champions du monde des prochains Championnats du monde de boxe féminine et masculine à New Delhi, en Inde, et à Tachkent, en Ouzbékistan, des qualifications pour Paris 2024 n’est pas acceptable et va à l’encontre des principes du sport et de la boxe. »
Pour rappel, le parcours de qualification olympique dessiné par le CIO exclut les Mondiaux IBA en 2023, prévus du 15 au 26 mars à New Delhi pour les femmes, puis du 1er au 14 mai à Tachkent pour les hommes. A la place, l’instance olympique distribuera les quotas pour les Jeux olympiques lors des différents rendez-vous multisports continentaux prévus en 2023, dont les Jeux Européens en Pologne, les Jeux Asiatiques en Chine, et les Jeux Africains au Ghana.
Dans son communiqué, l’IBA détaille son propre parcours de qualification. Il passe par les Mondiaux à New Delhi et à Tachkent, puis par les championnats continentaux de l’IBA, par trois étapes des Golden Belt Series, et enfin par un dernier tournoi de qualification olympique prévu en mai 2024 aux Emirats arabes unis. Sans surprise, les deux processus n’ont rien en commun.
L’annonce de l’IBA peut surprendre. Mais son timing ne doit rien au hasard. Depuis la semaine passée, plusieurs pays majeurs de la boxe internationale ont annoncé leur décision de renoncer aux Mondiaux 2023, féminins puis masculins. Ils entendent ainsi protester contre la présence des boxeurs russes et biélorusses sous leurs propres couleurs, mais aussi contre la gouvernance de l’instance.
Les Etats-Unis ont initié le mouvement. L’Irlande, la République tchèque et le Canada ont rapidement suivi. Les Pays-Bas, la Suède et la Suisse ont eux aussi tiré un trait sur les deux événements mondiaux. La Grande-Bretagne aurait, elle aussi, rejoint le camp du boycott.
Face à ce front du refus, l’IBA a d’abord réagi en annonçant qu’elle prendrait financièrement à sa charge le voyage et la participation aux Mondiaux des boxeurs appartenant à des pays dissidents. Elle intensifie aujourd’hui sa riposte en sortant du chapeau un processus de qualification olympique concurrent de celui du CIO. Les boxeurs, eux, comptent les coups sans pouvoir en donner.