Par Ed Hula (1)
Le drapeau de la Russie pourrait ne plus jamais flotter sur des Jeux olympiques.
Cela fait déjà six ans que le drapeau russe a été interdit aux Jeux de 2016 à Rio de Janeiro en raison d’un vaste programme de dopage d’État impliquant des athlètes russes des sports d’hiver et d’été.
Aujourd’hui, la perspective d’une rupture à plus long terme semble de plus en plus réelle, alors que l’attaque russe contre l’Ukraine se poursuit pour une deuxième année. Paris 2024 sera probablement la troisième édition consécutive des Jeux d’été sans équipe russe reconnue : ni drapeau, ni hymne pour les médaillés d’or. Les athlètes russes pourraient concourir sous couvert de neutralité, mais on ignore encore la façon dont ils seraient choisis.
Même si l’offensive russe prenait fin du jour au lendemain, le régime de Moscou aurait-il le temps de faire amende honorable ? Probablement pas. L’exigence de responsabilité de l’Ukraine et de ses alliés imposerait à la Russie des conditions qu’il faudra des décennies pour satisfaire.
Le calcul de l’ampleur et du coût des réparations pourrait être l’exercice le plus compliqué du 21e siècle. Ils se chiffreront en milliards. Les accusations de crimes de guerre et les procès qui s’ensuivront, tout comme la reconstruction, dureront également des années, rappelant sans cesse les agonies subies.
Parmi les nombreuses victimes de cette guerre figurent les Jeux olympiques.
En février dernier, les ministres de plus de trente nations européennes ont fait savoir au CIO que certaines d’entre elles pourraient ne pas participer aux Jeux de Paris 2024, plutôt que de faire des concessions sur la participation russe. Le président ukrainien, Volodymyr Zelenskyy, a pris la tête du mouvement en rejetant les tentatives du CIO d’inclure des Russes aux prochains Jeux. Il a prévenu : l’Ukraine restera chez elle. Elle ne viendra pas Paris.
Le CIO et son président, Thomas Bach, auront besoin l’an prochain de toute la diplomatie sportive qu’ils pourront mettre en place. Leur principale préoccupation : étouffer les menaces de boycott de la part des gouvernements, des athlètes ou des fédérations sportives. Beaucoup de choses dépendront de la situation en février prochain, surtout si les tirs persistent.
Les États-Unis pourraient se révéler un acteur majeur, particulièrement si le Congrès rejette les décisions du CIO sur une participation russe. Une telle position pourrait contraindre le Comité olympique et paralympique américain à se joindre à l’Ukraine dans un éventuel boycott.
Imaginez le chaos si les alliés de la Russie menaçaient eux aussi, à leur tour, de boycotter les Jeux par solidarité avec le Kremlin.
Un autre test important pour le CIO aura lieu à la fin de l’année, lorsque les Nations unies approuveront la trêve olympique à observer pendant la durée des Jeux de Paris 2024. Aussi noble soit-elle, la notion de trêve olympique a été rendue risible par la Russie elle-même. Alors que les Jeux olympiques d’hiver de Pékin touchaient à leur fin, l’année dernière, la Russie – l’une des 190 nations membres à soutenir la trêve olympique – a lancé son offensive en Ukraine.
Avec cette attaque, la Russie a poursuivi son habitude de violer la trêve olympique. À la fin des Jeux olympiques d’hiver de 2014, déjà, le président Vladimir Poutine avait déchaîné sans vergogne ses forces pour s’emparer de la péninsule de Crimée.
Jusqu’à présent, rien n’a filtré au siège du CIO, à Lausanne, sur une quelconque stratégie alternative à déployer pour la trêve olympique. Elle est habituellement proposée par le pays hôte des prochains Jeux, en l’occurrence la France.
En soi, cela est rassurant pour ceux qui apprécient le symbolisme de ce geste diplomatique. Le président français, Emmanuel Macron, est à la pointe de la résistance européenne face à l’assaut russe. Il serait un militant enthousiaste de la trêve. En même temps, il est de ceux pour qui le mépris répété de la Russie pour la trêve ne serait pas perdu.
Reste à savoir si Vladimir Poutine aura le courage de demander à ses diplomates d’ajouter la Russie comme signataire de la trêve olympique de 2024.
Comme l’ont montré les Jeux d’hiver de Sotchi 2014 et de Pékin 2022, il ne serait pas surprenant que le président russe approuve un cessez-le-feu pendant les Jeux de Paris 2024. Mais, comme à l’époque, quels plans secrets de Poutine cacherait le rideau du soutien russe à une trêve olympique ?
Trompe-moi une fois, honte à toi. Trompe-moi deux fois, honte à moi.
Trompe-moi trois fois ?
Macron et d’autres voix, comme le président du CIO, devront répondre à cette question lorsque l’Assemblée générale se réunira en septembre.
Ce sombre scénario n’est pas de bon augure pour la place de la Russie aux Jeux olympiques de Paris ou à tout autre événement. L’Italie suivra avec des Jeux d’hiver en 2026, probablement avec la Russie toujours dans la corbeille à péchés. Puis il y aura Los Angeles en 2028, où l’absence de la Russie semble prédestinée par l’histoire.
La dernière fois que Los Angeles a accueilli les Jeux olympiques, en 1984, treize pays du bloc de l’Est se sont joints à ce qui était alors l’URSS pour boycotter les Jeux, en représailles au boycott des Jeux de Moscou en 1980 par les États-Unis. Si le défilé des athlètes au SoFi Stadium en 2028 se déroule sans la Russie, les Jeux seront les quatrièmes d’été sans délégation officielle de la Russie.
Qu’il s’agisse d’un boycott ou du maintien des sanctions du CIO, l’exil olympique de la Russie, comme la guerre qu’elle a déclenchée en Ukraine, semblent ne pas avoir de fin. Une issue favorable à la Russie, au détriment de l’Ukraine, serait certainement accueillie avec consternation dans le monde entier. Mais, à l’inverse, une sanction du CIO pourrait entraîner une interdiction permanente pour la Fédération de Russie de célébrer la paix et le sport. Malgré sa frustration, le CIO laissera la réconciliation aux générations futures.
(1) Cet article a été initialement publié sur le site Ed Hula Communications