Les nombreux scandales l’ont démontré : tous les sports ne sont pas égaux face aux risques de harcèlement et d’abus. Certains prennent les affaires de plein fouet. Les autres se croient plus épargnés.
L’escrime ? Sur le papier, la discipline ne semble pas la plus exposée. Sa culture, ses usages et la maturité de ses champions l’écartent de la liste des sports à risques. Mais son instance internationale, la FIE, a adopté depuis la dernière olympiade l’adage selon lequel la prévention vaut mieux que la guérison.
En mars 2019, elle a annoncé la mise en place d’une politique de protection des escrimeurs, destinée à favoriser un environnement où l’escrime peut être pratiquée en toute sécurité. Elle avait été approuvée à l’unanimité lors du congrès annuel organisé l’année précédente à Paris. Tout sauf un hasard : l’initiative a accompagné l’ambitieux programme de la FIE de développement de l’escrime au féminin.
Aux manettes, deux responsables issus de pays où la protection des athlètes était déjà en place au niveau national : la Britannique Georgina Usher, présidente de la commission féminine du conseil Femmes et escrime de la FIE, et l’Américain Samuel Cheris, président de la commission juridique. A leurs côtés, pour définir un code de conduite pertinent, une équipe d’experts; notamment médicaux et juridiques.
Directrice exécutive de la Fédération britannique d’escrime (British Fencing), Georgina Usher l’a expliqué à FrancsJeux : « L’initiative de la FIE n’a pas été décidée pour réagir à une affaire ou une situation particulière. Nous voulions prévenir les risques. L’escrime n’est pas le sport le plus exposé. Mais il n’est pas non plus à l’abri, notamment des dangers de harcèlement moral. L’équilibre est souvent difficile à trouver, dans le sport comme dans le monde professionnel, entre le respect et le pouvoir. »
Dès l’année 2019, la politique de protection de la FIE a été présentée et détaillée aux championnats du monde cadets et juniors à Torun, en Pologne. Un stand a été installé sur le site de compétition.
Depuis, le train a pris de la vitesse. Un programme d’éducation a été déployé à l’intention des entraîneurs et officiels, au plus haut niveau de la pratique, puis aux échelons moins élevés. Un formulaire en ligne a été créé pour signaler un incident lors d’une compétition de la FIE. Il peut être complété et envoyé de façon anonyme.
Un premier webinar dédié à la politique de protection a été organisé en juin 2022. Il a rassemblé plus de 70 personnes. Un deuxième a suivi en fin d’année passée. La série se poursuivra cette année.
Georgina Usher insiste : « Les abus les plus fréquents touchent l’escrime d’un niveau modeste, dans les clubs. C’est la raison pour laquelle nous devons étendre notre politique de protection à l’échelon national. La FIE ne peut pas tout faire seule. Le relais doit être pris, dans tous les pays, par les fédérations nationales. C’est aujourd’hui notre priorité. Pour y parvenir, nous renforçons notre programme d’éducation pour toucher un plus grand nombre d’entraîneurs et d’officiels dans les clubs. »
Objectif annoncé : l’adoption par un maximum de pays membres d’une politique de protection des athlètes. La Grande-Bretagne avait précédé le mouvement dès l’année 2014. Les Etats-Unis, où le sujet a pris une dimension très médiatique, ont suivi. Aujourd’hui, les pays sont de plus en plus nombreux à placer le dossier en bonne position parmi leurs priorités.
Le résultat ? « La culture a changé, assure Georgina Usher. La parole se libère, les gens sont de plus en plus nombreux à témoigner. Nous apprenons beaucoup des athlètes sur la marche à suivre et les procédures à mettre en place. Dans le même temps, les officiels et les entraîneurs sont aujourd’hui de mieux en mieux informés, à la fois sur les enjeux d’une politique de protection, mais aussi sur l’importance de combattre le fléau. Les gens ont compris que proposer à nos athlètes un environnement sûr était le travail de tout le monde. Nous pouvons désormais agir plus tôt. »