Les choses changent dans le mouvement olympique. Les notions de temps et d’espace, notamment, n’y ont plus tout à fait la même signification. Les Jeux de Brisbane 2032 en sont l’illustration la plus spectaculaire.
Le CIO avait déjà bousculé les codes en désignant dès l’année 2021 la capitale du Queensland, soit plus de onze avant l’échéance. Un record qu’il sera difficile de faire tomber. L’instance olympique a poursuivi la semaine passée dans la même direction, en organisant la première réunion de la commission de coordination des Jeux de Brisbane 2032 à plus de neuf ans de l’événement (photo ci-dessus).
Et, surprise, en choisissant le décor de Lausanne pour cette rencontre inaugurale entre les représentants du CIO et les leaders australiens. Contre toute attente, le président de Brisbane 2032, Andrew Liveris, et la directrice générale, l’Américaine Cindy Hook, ont dû faire le voyage vers la Suisse. A huit heures de décalage horaire de la côte est de l’Australie.
A neuf ans de l’événement, alors que le mouvement olympique n’a pas encore célébré la date toujours très solennelle de J – 1 an avant Paris 2024, que sait-on de Brisbane 2032 ? Curieusement, beaucoup de choses. Andrew Liveris et Cindy Cook ont ouvert leurs dossiers, la semaine passée, à l’occasion d’une conférence de presse en ligne organisée depuis la Maison olympique à Lausanne. En voici les premières leçons.
Brisbane 2032 a consulté. Andrew Liveris avait promis, lors de sa nomination à la présidence du comité d’organisation, qu’il consacrerait les premiers mois à engager derrière le projet un maximum de personnes. A écouter, surtout. L’ancien PDG du groupe américain Dow Chemical a tenu parole.
« Nous nous sommes entretenus avec plus de 1.100 parties prenantes ayant un lien avec les Jeux olympiques et paralympiques, notamment des athlètes et des para-athlètes, la communauté locale, les Premières Nations, le CIO, l’IPC, d’autres comités d’organisation des Jeux et des représentants du secteur économique, a-t-il énuméré devant les médias. Nous avons aussi interrogé plus de 2.500 personnes sur la façon dont elles percevaient Brisbane et notre marque. Enfin, nous avons déjà reçu plus de 14.000 idées dans le cadre des séances d’échanges consacrées à l’héritage des Jeux. »
Brisbane 2032 se méfie du temps long. Cindy Hook, la directrice générale, en a convenu : hériter des Jeux aussi longtemps en avance ne présente pas que des avantages. « C’est un peu comme une pièce à deux faces, a suggéré l’Américaine, passée par le cabinet Deloitte avant de rejoindre le comité d’organisation. D’un côté, c’est une véritable bénédiction, car si vous utilisez ce temps efficacement pour prendre des décisions mesurées, établir des scénarios et les planifier, ce sera un réel avantage. Mais le revers de la médaille, c’est qu’avec l’enthousiasme suscité par les Jeux à Brisbane et dans tout le Queensland, on peut se laisser entraîner à en faire trop, trop tôt, et à prendre des décisions que l’on finira par regretter. »
Brisbane 2032 veut se prémunir des risques de corruption. Le feuilleton du scandale des Jeux de Tokyo 2020 et les récentes perquisition au siège du COJO Paris 2024 l’ont rappelé : les Jeux échappent rarement aux affaires de corruption et aux conflits d’intérêt. Andrew Liveris le sait. L’Australien l’a expliqué : une politique rigoureuse en matière de fraude et de code de conduite a déjà été mise en place au comité d’organisation. Une formation sur la conformité a été dispensée à ses premiers directeurs. « Nous devons le faire, a-t-il assuré. Si nous le faisons pas, alors nous n’avons rien à faire à cette place. Nous sommes soumis aux normes d’attribution des marchés du gouvernement du Queensland. »
Brisbane 2032 devra innover. A neuf ans de l’échéance, le projet du Queensland annonce un budget de 5 milliards de dollars australiens, soit environ 3,3 milliards de dollars américains au cours actuel. Le comité d’organisation a planifié des recettes commerciales de 1,7 milliard de dollars américains (billetterie, partenariat, produits dérivés). Raisonnable. Mais Andrew Liveris le reconnait : le Queensland reste un « petit marché commercial », encore peu connu dans le reste du monde. « Nous allons devoir trouver des moyens novateurs pour attirer des sponsors », prévient-il.
Brisbane 2032 servira de la bière. Autre pays, autres lois. A la différence des Jeux de Paris 2024, l’alcool ne sera pas seulement servi dans les espaces d’hospitalité aux Jeux d’été en 2032. Le président du comité d’organisation l’a expliqué : « La juridiction locale dicte ce qui se passe dans les stades. Et la loi australienne permet de servir de la bière. Nous en servirons, car nous le pouvons. »
Brisbane 2032 ne pense pas encore à l’ouverture. A une question de FrancsJeux sur la perspective de voir Brisbane 2032 suivre les pas de Paris 2024 et organiser la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques en pleine ville, en dehors du stade, Cindy Hook a répondu dans un grand éclat de rire : « Nous sommes à neuf ans de l’échéance, nous ne pensons pas encore à cela. Attendons de voir comment les choses vont se passer à Paris... »
Pas encore d’actualité, donc, au moins pour le comité d’organisation. A la mairie de Brisbane, l’idée fait pourtant déjà son chemin. Interrogée en octobre dernier, la maire-adjointe de la ville, Krista Adams, nous avait répondu : « Je suis séduite par l’idée de Paris 2024 de déplacer la cérémonie d’ouverture hors du stade, sur la Seine, avec 600.000 spectateurs. C’est fantastique. Je suis convaincue que nous pourrions faire la même chose en 2032 sur la Brisbane River. »