La décision est d’importance. Un décret du ministère des Sports ukrainien interdisant à ses athlètes de participer à des compétitions où sont engagés des compétiteurs russes et/ou biélorusses a été modifié, jeudi 27 juillet. Dans sa nouvelle version, le texte ne concerne plus désormais que les « athlètes représentant la Fédération de Russie ou la République de Biélorussie », sous leurs drapeaux et leurs couleurs.
La nuance n’est pas mince. Jusqu’à la publication du décret, les athlètes ukrainiens étaient censés se retirer d’une épreuve internationale, voire ne pas faire le voyage, lorsque les listes d’engagement affichaient des compétiteurs issus de la Russie ou la Biélorussie, quel que soit leur statut. Désormais, ils ont le droit de participer à toutes les compétitions où sont présents des athlètes individuels neutres portant un passeport russe ou biélorusse.
Avec cette inflexion, l’Ukraine se rapproche du CIO. Elle reconnaît le concept d’athlètes neutres que l’instance olympique met en avant dans sa recommandation aux fédérations internationales. Surtout, Kiev éloigne la perspective d’un boycott des Jeux de Paris 2024.
Hasard ou pas, le décret du ministère ukrainien des Sports a été publié le jour même où a eu lieu un face-à-face sur le terrain de compétition entre une athlète ukrainienne et une adversaire russe. Le premier depuis février 2022 et le déclenchement du conflit en Ukraine.
L’événement s’est produit à Milan, aux championnats du monde d’escrime. Il s’annonçait symbolique. Mais il a mal tourné.
La sabreuse ukrainienne Olga Kharlan devait affronter la Russe Anna Smirnova au premier tour. Jusqu’à la veille au soir, l’assaut n’aurait pas eu lieu. L’Ukrainienne aurait renoncé à monter sur la piste. Mais, nouveau décret oblige, elle a obtenu l’autorisation de sa délégation de se présenter face Anna Smirnova (photo ci-dessus).
L’Ukrainienne l’a emporté facilement. Mais, l’assaut terminé, Olga Kharlan a refusé de serrer la main de son adversaire. Face à cette attitude, Anna Smirnova est restée assise sur la piste en signe de protestation. En vertu de ses règlements, la Fédération internationale d’escrime (FIE) a exclu de la compétition la sabreuse ukrainienne, quadruple championne du monde et médaillée de bronze aux Jeux de Londres 2012 et Rio 2016.
« Nous, les athlètes ukrainiens, nous sommes prêts à affronter les Russes sur le terrain sportif, mais nous ne leur serrerons jamais la main », a expliqué Olga Kharlan après l’annonce de sa disqualification. Elle a ajouté avoir eu une conversation la veille avec le président de la FIE, le Grec Emmanuel Katsiadakis, où elle avait évoqué les risques d’une provocation.
Plus tard dans la journée, la Fédération ukrainienne d’escrime a annoncé avoir « protesté » contre la disqualification de sa sabreuse. « Nous avons soumis notre protestation au bureau de la Fédération internationale d’escrime. Nous attendons la prise en compte immédiate de cette protestation, afin que cette disqualification soit annulée », a déclaré aux médias l’un de ses dirigeants, Mykhaïlo Illiachev.
Depuis Lausanne, le CIO s’est invité dans le débat, mais avec sobriété. L’instance a appelé le mouvement olympique à faire preuve de « sensibilité » à l’égard des athlètes ukrainiens. Elle a surtout salué la nouvelle position des autorités de Kiev. Une inflexion qui permettra, souligne le CIO, aux athlètes ukrainiens « de se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris en 2024. »