La Suède n’a pas encore donné un nom, et surtout un lieu, à son projet. La France avance sur deux jambes, avec une candidature portée par deux régions. Mais dans la course aux Jeux d’hiver 2030, toujours aussi floue à moins de sept ans de l’événement, la Suisse a pris tout le monde par surprise.
Le comité national olympique – Swiss Olympic – l’a annoncé et détaillé dans un long communiqué : son projet olympique, son énième depuis les Jeux de Saint-Moritz en 1948, ne sera pas celui d’une ville, et pas non plus celui d’une région. Il sera le premier de l’histoire à être porté par un pays tout entier.
Les Jeux d’hiver de la Suisse, donc. Rien de moins. Un rendez-vous olympique et paralympique à l’échelle nationale, avec des épreuves dans toutes les zones linguistiques. A la façon d’une Coupe du Monde de football, en somme, mais avec les constructions en moins. Parfaitement aligné avec les grandes lignes de l’Agenda 2020+5 du CIO, le projet Suisse se présente en effet comme le plus durable de l’histoire. Le dossier ne comporterait pas le moindre nouvel équipement, toutes les épreuves devant se dérouler dans des sites déjà existants.
Swiss Olympic le précise : pour 13 des 14 sports d’hiver olympiques, la Suisse disposera à la fin de la décennie d’une infrastructure moderne et adaptée. Seule zone d’ombre : le patinage de vitesse. La Confédération helvétique ne compte pas le moindre anneau de glace aux standards d’une grande compétition olympique. Mais elle n’envisage pas d’en construire. « Des discussions sont en cours avec d’autres nations qui pourraient être impliquées en tant que partenaires », insiste Swiss Olympic.
Le projet ne prévoit pas non plus la construction d’un village olympique. A la place, les Suisses proposent de loger les délégations dans des « hubs olympiques », utilisant les possibilités d’hébergement existantes.
Une étude de faisabilité a été lancée par Swiss Olympic et par les fédérations des sports d’hiver à la fin du mois d’avril. Elle doit montrer « d’ici l’automne si la vision d’une Suisse (para)olympique en tant que pays hôte peut devenir réalité », explique l’instance. A ce stade, il n’est donc pas encore question officiellement d’une candidature. Prudence.
Question : quelle édition des Jeux d’hiver pourrait basculer dans le camp suisse ? La réponse reste floue. Swiss Olympic ne s’en cache pas : son projet concerne tout à la fois 2030, 2034 ou 2038. Prudence, encore une fois. Mais l’empressement des Suisses à abattre leurs cartes, depuis quelques semaines, révèle une nette préférence pour la première des trois éditions, où l’opportunité de rafler la mise n’a sans doute jamais aussi réelle. Pour les Suisses, mais également pour leurs deux rivaux potentiels en Europe, la France et la Suède.
Swiss Olympic l’avance comme un autre atout dans sa manche : la Suisse organisera une impressionnante série de championnats du monde de sports d’hiver au cours de la décennie, dont ceux de bobsleigh/skeleton en 2023, de biathlon en 2025, de snowboard/ski freestyle en 2025, de hockey sur glace masculin en 2026, et enfin de ski alpin en 2027. Une collection de rendez-vous mondiaux qui en fera, selon l’expression de Swiss Olympic, un « World Winter Sports Hub ».
La suite ? Une fois l’étude de faisabilité et son rapport terminés, le Conseil exécutif de Swiss Olympic, puis le Parlement du sport, décideront s’il est opportun de poursuivre. Cette prochaine étape est annoncée pour le mois d’octobre 2023. En cas de réponse positive, le CIO pourra inviter la Suisse à un « dialogue ciblé ». En clair, la Suisse et sa vision d’un « pays-hôte des Jeux d’hiver » se joindra vraiment et officiellement à la course.
Sur le papier, le projet suisse multiplie les atouts. Il se veut durable, low cost, novateur et rassembleur. Mais en ratissant aussi large, en proposant non pas seulement les Jeux de la Suisse, mais bien ceux des Suisses, tous les Suisses, il devra rassembler le pays tout entier. Ses forces politiques, ses organisations environnementales, sa population… La tâche n’est certainement pas impossible, tant le concept est séduisant, mais il faudra faire vite.