La date se voulait symbolique. Mercredi 13 septembre, une année jour pour jour après l’arrestation à Téhéran d’une jeune étudiante iranienne d’origine kurde, Mahsa Amini, un collectif a appelé le CIO à exclure l’Iran des Jeux de Paris 2024. Il est mené par trois personnalités aux parcours très disparates : l’ancien champion du monde de boxe Mahyar Monshipour (photo ci-dessus), la Prix Nobel de la paix iranienne Shirin Ebadi, et l’avocat français Frédéric Thiriez, ex président de la Ligue de football professionnel (LFP).
En cause, la discrimination vécue au quotidien par les sportives iraniennes, souvent contraintes de s’entraîner en secret, empêchées de s’aligner dans les compétitions internationales. Les trois meneurs du collectif l’ont expliqué en conférence de presse : l’Iran ne respecte pas la Charte olympique. La situation des athlètes féminines en Iran s’apparente à un « apartheid sexuel », comparable à la politique raciale de l’Afrique du Sud avant sa réintégration dans le mouvement olympique aux Jeux de Barcelone en 1992.
Mahyar Monshipour l’a expliqué, s’appuyant sur les témoignages en visioconférence d’athlètes et de cadres techniques iraniennes réfugiées à l’étranger : pratiquer un sport en Iran est aujourd’hui, pour les femmes, un combat du quotidien. « Les boxeuses, par exemple, ne peuvent pas avoir un homme comme coach. Elles peuvent s’entraîner seulement dans des endroits fermés. Beaucoup le font en secret, dans des appartements ou des sous-sols. Elles ne sont pas autorisées à se rendre dans un club. »
En juillet dernier, à une année pile de l’ouverture des Jeux de Paris 2024, le collectif a écrit une lettre au CIO. Adressée à Thomas Bach, elle propose deux options. La première est radicale : une exclusion de l’Iran des prochains Jeux d’été, pour non respect de la Charte olympique, notamment de ses articles relatifs à la règle de non discrimination. La seconde, plus proche d’un compromis, suggère d’exclure l’Iran des cinq disciplines interdites aux femmes par le régime islamique : la natation, la boxe, la lutte, la gymnastique et le beach-volley.
Un mois après sa démarche, le collectif a reçu une réponse, signée du directeur des relations extérieures. Une réponse polie. Une réponse d’attente. « En clair, le CIO nous a répondu qu’ils suivaient la situation et avaient déjà expliqué à l’Iran que sa politique à l’égard des femmes n’était pas juste », a précisé Mahyar Monshipour. Insuffisant, selon les meneurs du projet, aujourd’hui convaincus que le CIO n’ira pas plus loin.
Frédéric Thiriez l’explique : la suite sera plus offensive. « Nous continuons le combat. Avec deux approches parallèles : le droit et l’opinion. Nous travaillons à une démarche juridique, en saisissant le Tribunal arbitral du sport. Mais le droit a ses limites. C’est pourquoi nous comptons sur la pression de l’opinion publique. Il faut que l’opinion bouge. Les gens doivent se réveiller. Cette situation n’est pas tolérable. »
Un site Internet a été lancé pour relayer la cause et en expliquer les enjeux. Une pétition a été ouverte sur la plateforme change.org. « Nous comptons beaucoup sur la communauté iranienne à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et au Canada, pour nous soutenir financièrement », explique Mahyar Monshipour, né en Iran mais arrivé en France à l’âge de 11 ans.
A la fin du mois dernier, deux associations ont porté plainte à Paris contre Ghafoor Kargari, le président iranien du Comité national paralympique. Elles l’accusent de torture et le soupçonnent de crimes contre l’humanité. Ghafoor Kargari était présent à Paris à l’occasion du séminaire des chefs de mission des Jeux paralympiques organisés par le COJO.