La question d’une participation sous conditions de neutralité de ses athlètes aux Jeux de Paris 2024 n’est toujours pas réglée, mais la Russie fait ses comptes. Son ministre des Sports ne s’en cache pas : ils ne sont pas bons. Et pourraient empirer encore au rythme du compte-à-rebours avant l’événement olympique.
Oleg Matytsin l’a confié mardi 19 septembre à la presse russe : la présence aux Jeux de Paris d’athlètes neutres portant un passeport russe ne dépassera les 200 personnes. Le ministre des Sports l’estime même à un maximum très optimiste de 180 qualifiés individuels.
« Les prévisions restent les mêmes, elles sont basées sur la participation de nos athlètes aux compétitions de qualification, a-t-il expliqué. Nous savons déjà qu’il sera impossible de participer aux compétitions en athlétisme et dans les sports et disciplines par équipe. Une analyse statistique a été réalisée. Elle a conclu à une possible participation de 180 athlètes au maximum. Mais ce chiffre change tous les jours. Et il ne change pas dans le bon sens. »
Sauf retournement de situation, Evgeny Rylov (photo ci-dessus, avec Vladimir Poutine) ne devrait pas en être. Le nageur russe, double médaillé d’or aux Jeux de Tokyo 2020 (100 et 200 m dos), l’a expliqué aux médias de son pays : il refusera de signer une déclaration politique exprimant son opposition à l’invasion militaire russe en Ukraine.
« J’ai récemment relu les recommandations (de World Aquatics), a-t-il déclaré sur Match TV. Vous pouvez compter sur les doigts des deux mains le nombre d’athlètes qui répondent à ces exigences. Si je dois signer une telle déclaration, je refuserai. Je ne veux pas accepter leurs conditions. Concourir sous un drapeau neutre, nous l’avons déjà fait avec succès, nous pouvons y arriver. Mais cela devient une habitude. Signer la déclaration revient à dire que son pays est mauvais. Nous attendons tous de voir ce qui va se passer. Pour l’instant, nous nous préparons à nos compétitions, qui se dérouleront en Russie. Je pense que nous devrions concourir seulement si nous sommes rétablis dans tous nos droits. Sinon, nous allons rester des athlètes neutres pour le reste de notre vie. »
Longtemps opposée à une réintégration des athlètes russes et biélorusses, la Fédération internationale de natation (World Aquatics) a changé de position au début du mois. Elle a annoncé qu’ils seraient autorisés à participer aux compétitions internationales, sous couleurs et drapeau neutres, mais avec un seul engagé au maximum par épreuve. Pour répondre aux conditions imposées par l’instance, les nageurs russes ne devront pas avoir affiché leur soutien à la guerre en Ukraine. Ils ne devront pas non plus avoir participé à des manifestations ou événements en faveur de la guerre, ou arboré un signe ou un symbole soutenant l’opération militaire.
A en croire le président de la Fédération russe de natation, l’ex nageur de demi-fond Vladimir Salnikov, il pourrait être exigé à certains athlètes de signer une déclaration contre la guerre. Evgeny Rylov serait concerné. Il a été suspendu neuf mois par World Aquatics, l’an passé, pour avoir été vu dans un rassemblement de soutien à Vladimir Poutine organisé à Moscou.
La situation des lutteurs russes se présente nettement mieux. Trois d’entre eux, tous champions olympiques, ont été autorisés par la Fédération internationale de lutte (UWW) à participer aux championnats du monde, organisés actuellement à Belgrade. Eux aussi, comme Evgeny Rylov, ont pourtant participé à un rassemblement pro-guerre, en mars 2022 au stade Luzhniki de Moscou.
Zaurbek Sidakov, Zaur Uguev et Abdulrashid Sadulayev, médaillés d’or aux Jeux de Tokyo 2020, ont été déclarés éligibles pour les Mondiaux de Belgrade (16 au 24 septembre). L’instance internationale a expliqué dans un communiqué que « leur participation à certains événements n’était pas de leur propre volonté. » En clair, ils auraient été forcés de se rendre au rassemblement du mois de mars 2022, organisé trois semaines après le début de l’offensive en Ukraine.
Avant les Mondiaux 2024, l’UWW a écarté 30 athlètes, entraîneurs et officiels russes de la délégation, les jugeant inéligibles en raison de leur « soutien actif à la guerre sur la base d’informations publiquement disponibles ou d’une activité militaire confirmée. » Les trois champions olympiques, en revanche, ont été autorisés à prendre part à la compétition.
« Il n’a pas été possible de conclure avec le même degré de certitude qu’ils soutenaient activement et personnellement la guerre et la politique de leur gouvernement, a suggéré l’instance. Selon certaines informations obtenues dans le cadre du processus de contrôle, il est apparu que ces athlètes subissaient des pressions et que leur participation à certains événements n’était pas de leur propre volonté. »
A Belgrade, Zaurbek Sidakov a décroché son troisième titre mondial, lundi 18 septembre, dans la catégorie des 74 kg. Il a battu en finale l’Américain Kyle Dake, double champion du monde en titre.