Le pire a été évité. Et, avec lui, le risque d’une longue traversée du désert. Le pentathlon moderne, sous la menace d’une exclusion du mouvement olympique après les Jeux de Paris 2024, a sauvé sa tête.
Invitée par le CIO à proposer un nouveau format moins propice à la polémique, son instance internationale, l’UIPM, a sorti de son chapeau une nouvelle discipline aux airs de Ninja Warrior : la course d’obstacles. Elle remplacera l’équitation, envoyée dans les oubliettes de l’histoire.
Le CIO a apprécié. Sa 141ème session, réunie le mois dernier à Mumbai, l’a adoubée en réintégrant le pentathlon moderne pour les Jeux de Los Angeles 2028. Mais qu’en pensent les premiers intéressés, les athlètes ?
FrancsJeux en a interrogé deux parmi les plus respectés de la discipline, les Français Elodie Clouvel et Valentin Prades (photo ci-dessus), respectivement médaillée d’argent olympique en 2016 et champion d’Europe en 2018.
FrancsJeux : Avez-vous craint que le pentathlon moderne disparaisse du programme des Jeux olympiques à Los Angeles 2028 ?
Elodie Clouvel : Non. Je n’ai jamais été inquiète quant à l’avenir olympique de notre sport. Je suis d’un naturel optimiste. Et j’avais assisté à une réunion à Monaco, au siège de l’UIPM, où avait été présentée et discutée la nouvelle version du pentathlon moderne. Elle m’avait convaincue que nous allions rester au programme. Le pentathlon moderne est le sport de base des Jeux. Un sport qui, comme son nom l’indique, a toujours su rester moderne.
Valentin Prades : Inquiet, non, car je croyais au projet. Je sais que l’UIPM a pris un risque en changeant une discipline, mais j’avais confiance dans sa connaissance du contexte et des tenants politiques. Notre sport est l’ADN des Jeux olympiques, j’imaginais mal le CIO le retirer du programme.
Aurait-il pu vivre sans les Jeux olympiques ?
Elodie Clouvel : Non. Il a été créé par Pierre de Coubertin. Les Jeux olympiques constituent son socle et son essence. Certains sports peuvent vivre sans les Jeux. Pas le nôtre.
Valentin Prades : On ne le saura jamais. Certes, le pentathlon moderne est assez confidentiel, mais il compte une vraie communauté de fans. Beaucoup de gens le pratiquent sans la moindre idée d’aller un jour aux Jeux olympiques. Ils représentent même l’essentiel des pratiquants. Mais un retrait des Jeux aurait rendu les choses compliquées pour le haut niveau.
L’ajout de la course d’obstacles et une présence désormais assurée aux Jeux de Los Angeles 2028 marquent-ils un nouveau départ ?
Elodie Clouvel : Certainement. Notre sport va encore plus se développer à l’international, avec l’arrivée de nouveaux pays. Il va gagner en visibilité, notamment auprès des médias. Un nouveau départ, une nouvelle impulsion. Mais ce que nous allons vivre ne sera pas une première. Le pentathlon moderne a toujours été en perpétuelle évolution.
Valentin Prades : Oui. Nous allons voir un nouveau pentathlon moderne, encore plus dynamique, plus urbain également, très agréable à regarder. J’avoue être très enthousiaste. Les jeunes athlètes avec qui je m’entraîne ont eu l’occasion d’essayer la course d’obstacles en compétition. Ils ont été conquis.
Etiez-vous favorable au retrait de l’équitation ?
Elodie Clouvel : J’adore l’équitation. J’ai trouvé triste d’en finir avec cette discipline. Un couple cavalier/cheval peut être quelque chose de magnifique. Mais à un moment donné, il faut se mouiller et oser le changement. Tirer au sort un cheval avant la compétition n’était plus possible, plus du tout de notre temps. Ce qui s’est passé aux Jeux de Tokyo 2020 a été un signe. Avec la course d’obstacles, nous ne vivrons plus les mêmes inégalités.
Valentin Prades : J’ai été l’un des premiers athlètes à prendre position pour le retrait de l’équitation. Ma génération, nous avons grandi avec l’équitation, avec la règle du tirage au sort des chevaux. Mais avec le recul, je trouve cela inacceptable de jouer dix ans d’entraînement, d’efforts et de sacrifices sur un tirage au sort. Cette règle était beaucoup trop injuste.
Que pensez-vous de la course d’obstacles ?
Elodie Clouvel : C’est très attractif, visuellement très fort. Il faudra un temps d’adaptation, mais cette nouvelle discipline va ajouter du piment. Elle demande une vraie technicité, des qualités physiques et mentales.
Valentin Prades : Je n’ai pas encore essayé car je suis complètement concentré sur les Jeux de Paris 2024. Je basculerai après les Jeux. Mais cette nouvelle discipline est très excitante. Elle demande de nouvelles compétences. Il va nous falloir travailler beaucoup plus les avant-bras et les épaules.
Etait-ce le meilleur choix ?
Elodie Clouvel : Oui. Cette discipline est très moderne, actuelle, elle rassemble. Elle va bien avec notre sport. Elle va également se révéler plus accessible. En même temps, ce choix permet de conserver la notion d’obstacles, comme dans l’équitation, mais sans la présence de l’animal.
Valentin Prades : Oui. Il fallait trouver quelque chose d’unique. Je ne me voyais pas me lancer dans le tir à l’arc ou l’escalade, par exemple. Avec cette nouvelle discipline, nous gardons l’ADN de notre sport en conservant la notion de franchissement.
L’abandon de l’équitation et l’arrivée de la course d’obstacles vont-ils bouleverser la hiérarchie ?
Elodie Clouvel : Je ne crois pas qu’elle sera vraiment bousculée. Tout a été analysé et réfléchi en ce sens. L’escrime restera très importante. La course d’obstacles pourra vous envoyer tout en bas du classement, en cas de mauvais parcours, ou vous remonter vers les premières places. C’était déjà le cas avec l’équitation. Il faudra toujours savoir se remettre en question avant chaque épreuve, maitriser les cinq disciplines et rester lucide jusqu’au bout.
Valentin Prades : Les premières compétitions organisées pour les jeunes ont montré que les classements étaient plus serrés. Les écarts seront moins importants qu’avec l’équitation, surtout lorsque tout le monde se sera préparé pour la course d’obstacles. Avec cette nouvelle discipline, nous allons voir arriver des athlètes d’Afrique et d’Amérique du Sud.