Le scénario semblait impossible. Il est pourtant désormais en tête de liste. A moins de neuf mois de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 (J – 260), la carte des sites de compétition pourrait encore bouger.
Cette fois, le changement concerne un sport additionnel. Tous les indicateurs le suggèrent : le spot de surf de Teahupo’o, en Polynésie française, choisi par le COJO pour sa vague légendaire, pourrait bien disparaitre dans les oubliettes de l’histoire. La discipline ne quitterait pas l’île de Tahiti, mais elle serait délocalisée sur un site moins controversé.
En cause, la construction d’une tour en aluminium destinée aux juges des épreuves olympiques. Elle doit remplacer l’habituelle structure en bois utilisée pour les compétitions internationales, dont le Tahiti Pro (photo ci-dessus). Scellée dans la mer par des plots en béton armé, la nouvelle structure alimente la contestation depuis plusieurs semaines, parmi la population locale, les organisations écologistes et certains acteurs du monde du surf.
Une pétition a été lancée par l’association locale Vai Ara O Teahupo’o pour empêcher sa construction. Elle demande « au gouvernement du pays de renoncer à la nouvelle tour d’arbitrage des JO 2024, aux forages, aux canalisations sous-marines ». Elle propose d’utiliser la tour en bois habituelle. La pétition a recueilli plus de 150.000 signatures.
Précision : la tour en question, dont le coût est annoncé à 4,4 millions d’euros, est déjà construite. Elle affiche 14 mètres de hauteur, compte trois étages, un local technique climatisé pour les serveurs internet, alimentés par un câble sous-marin. Construite, donc, mais toujours pas installée.
La ministre des Sports polynésienne, Nahema Temarii, a annoncé sur ses réseaux sociaux la suspension du « démarrage des travaux liés aux fondations de la tour des juges jusqu’au 20 novembre 2023″. Elle l’a expliqué : « C’est la seule fenêtre qu’il nous reste pour trouver des solutions avec toutes les équipes et les parties prenantes ».
Le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, a poussé le curseur un cran supplémentaire en suggérant cette semaine d’oublier l’option Teahupo’o pour déplacer l’épreuve sur une autre plage. « Je suis allé sur le site et je ne vois pas aujourd’hui par où on ferait passer une barge de 8 mètres par 8 mètres avec 80 cm de tirant d’eau jusqu’au site de travail sans exploser du corail », a-t-il confié.
Moetai Brotherson, élu en mai dernier, avance même déjà un plan B : le spot de Taharu’u, sur la côte ouest de l’île. Moins renommé, mais plus facile d’accès, il accueille régulièrement une épreuve du circuit de la WSL, la ligue professionnelle du surf.
Au COJO Paris 2024, la décision se fait attendre. Très embarrassé par une polémique pour le moins malvenue, à un moment où les équipes basculent les unes après les autres en mode opérationnel, il temporise dans l’espoir de trouver un compromis.
« Nous étudions collectivement tous les scénarios possibles – en lien avec le gouvernement polynésien – pour permettre aux compétitions de surf de se dérouler sur le site exceptionnel de Teahupo’o, que nous souhaitons préserver, respecter et valoriser à l’occasion des Jeux, précise le COJO dans un communiqué transmis à l’AFP. Les réflexions et études vont se poursuivre dans les semaines à venir afin de trouver la solution pour organiser les épreuves sur le site de Teahupo’o ».
Le message est clair : le COJO veut bien revoir sa copie, mais il n’envisage pas d’abandonner Teahupo’o pour se tourner vers un autre spot. Une position confirmée par plusieurs sources proches des discussions.
Interrogée par La Dépêche de Tahiti, Barbara Martins-Nio, la directrice du site tahitien pour le COJO, a reconnu travailler sur une nouvelle copie. « On rechallenge tout, on repart de zéro, a-t-elle expliqué. Depuis un mois, nos équipes sont mobilisées pour tout remettre à plat. Toutes les options sont ouvertes. »
Toujours selon Barbara Martins-Nio, les bureaux d’études et maîtrises d’ouvrage ne rendront pas leurs résultats avant le 15 novembre. Mais cette prochaine étape ne sera pas la dernière. Il restera au COJO à proposer une alternative à la tour des juges dans sa configuration actuelle, convaincre les élus locaux, rassurer la population et réécrire son calendrier. Tout sauf simple.