La nouvelle est tombée sans se faire annoncer. Elle n’a surpris personne, sinon par son timing. Réunie sans prévenir, la commission exécutive du CIO a décidé, vendredi 8 décembre, de réintégrer les athlètes russes et biélorusses, sous conditions de neutralité, aux Jeux de Paris 2024.
Ils porteront un acronyme, AIN, trois lettres pour résumer leur statut d’athlètes individuels neutres. Ils ne seront sans doute guère que quelques poignées, passés entre les mailles d’un parcours de qualification peu à leur avantage. Mais ils seront bien présents, dans 230 jours, aux Jeux olympique de Paris 2024. Comme ils le seront, un peu plus tard, aux Jeux paralympiques.
Soyons clairs : la décision de la commission exécutive du CIO était attendue. Le Sommet olympique, mardi 5 décembre à Lausanne, avait préparé le terrain. L’instance olympique l’avait conclu par un communiqué où il était expliqué que la demande de réintégrer les athlètes russes et biélorusses aux Jeux de Paris 2024 était venue des fédérations internationales. Il était également précisé que ce souhait d’une telle décision, et l’envie d’une annonce rapide, étaient partagés par la commission des athlètes et les autres parties prenantes du mouvement.
Une mise en scène pour un scénario écrit, comme toujours, par le CIO lui-même ? Probable. Mais la vérité ne quittera jamais Lausanne et les couloirs de la Maison olympique, le Sommet du 5 décembre s’étant tenu à huis clos.
Vendredi 8 décembre, le CIO a précisé les conditions de leur participation. Elles étaient connues depuis longtemps. Pour êtres éligibles à participer aux Jeux de Paris 2024, les AIN portant un passeport russe ou biélorusse devront « satisfaire à toutes les exigences en matière de lutte contre le dopage qui leur sont applicables avant et pendant les Jeux Olympiques de Paris 2024 et, plus particulièrement à celles énoncées dans les règles antidopage des fédérations internationales. »
- Les athlètes qui « soutiennent activement la guerre ne seront pas autorisés à être inscrits aux compétitions ni à concourir. » Même sanction pour ceux étant « sous contrat avec l’armée russe ou biélorusse ou avec des agences de sécurité nationales. »
Atre précision : aucun drapeau, aucun hymne, aucune couleur ni aucune autre identification de quelque nature que ce soit de la Russie ou de la Biélorussie ne seront présents aux Jeux de Paris 2024 sur un site officiel ou lors d’une fonction officielle. Aucun représentant des deux gouvernements ne sera invité ni accrédité. Enfin, les AIN ne figureront pas au tableau des médailles.
Les réactions n’ont pas tardé, vendredi 8 décembre, sitôt publié le communiqué du CIO. Elles sont venues de partout.
L’Ukraine n’a pas retenu ses critiques. C’était prévu. Mais ses autorités n’ont pas pour autant brandi la menace d’un boycott des Jeux de Paris 2024. Vadym Guttsait, le président du comité national olympique, ex ministre des Sports, a été l’un des premiers à s’exprimer. « Avec les pays partenaires, nous nous sommes battus sur le front diplomatique pour que cette décision ne soit pas approuvée, a déclaré l’ancien escrimeur. Malgré tous les efforts déployés, malgré les nombreuses victimes militaires et civiles, la destruction des infrastructures et les territoires occupés, notre voix n’a pas été entendue. »
A Moscou, la décision du CIO a été accueillie avec la tiédeur prévue. Pour la Russie, une participation sous conditions n’a rien d’une victoire. Le ministre des Sports, Oleg Matytsin, ne s’en est pas caché, mais tout en assurant que les athlètes russes défendraient leur chance sur le terrain de compétition, avec le soutien de la nation.
« Nous soutenons toujours les nôtres, a-t-il déclaré, cité par l’agence TASS. Ce sont nos athlètes, des membres de notre famille sportive, un produit de notre système sportif – peu importe comment ils ont essayé de le détruire, de créer une division au sein de la société russe, de monter certains athlètes contre d’autres. »
Le COJO Paris 2024, de son côté, ne s’écarte pas de sa ligne de conduite, neutre, focalisé sur la livraison de l’événement. « Nous prenons acte de la décision du CIO d’autoriser les athlètes disposant d’un passeport russe ou biélorusse à participer aux Jeux de Paris 2024 en tant qu’Athlètes Individuels Neutres, sous conditions d’éligibilité strictes en cas de qualification, a-t-il commenté dans un communiqué. Il est important de noter que la qualification pour les Jeux de Paris 2024, tout comme la mise en place de règles d’éligibilité strictes pour les Athlètes Individuels Neutres, relèvent de la responsabilité du CIO et des fédérations internationales. »
Question : combien seront-ils, ces AIN, à se présenter dans moins de huit mois aux Jeux olympiques ? Le CIO a fait ses comptes. « Parmi les 4.600 athlètes du monde entier qui se sont qualifiés à ce jour pour Paris 2024, il n’y a que 11 athlètes individuels neutres (huit possédant un passeport russe et trois un passeport biélorusse), explique l’instance. En comparaison, à ce jour, plus de 60 athlètes ukrainiens se sont qualifiés pour Paris 2024. Il est prévu que la délégation ukrainienne soit à peu près de la même taille qu’aux Jeux olympiques de Tokyo 2020. »
Seulement onze, donc. Autant dire trois fois rien. A 230 jours de la cérémonie d’ouverture, le temps ne manque pas pour étoffer les effectifs, surtout du côté russe. Mais le parcours de qualification s’annonce complexe dans un grand nombre de disciplines.
Meilleur exemple : la gymnastique. Certes, la fédération internationale (FIG) a suivi les recommandations du CIO et accepté le principe d’un retour des athlètes russes dans ses compétitions. Mais sa confédération européenne (UEG) a pris une décision opposée. Elle n’accepte par leur présence.
Seule certitude : l’athlétisme ne verra pas un seul AIN se présenter sur la piste. Le président de World Athletics, Sebastian Coe, l’a affirmé vendredi 8 décembre, au terme d’une réunion du Conseil : « Nous avons une position fixe qui n’a pas changé. Je pense qu’il est juste que les fédérations internationales prennent des décisions qu’elles estiment dans les meilleurs intérêts pour leur sport. C’est ce qu’a fait notre Conseil. Vous verrez peut-être des athlètes russes et biélorusses à Paris, mais pas en athlétisme. Notre position ne bougera, elle a été adoptée quasiment à l’unanimité par nos membres. »