Grande première aux Jeux de la Jeunesse d’hiver 2024 à Gangwon, en Corée du Sud : la santé mentale des athlètes est surveillée, et soignée si besoin, par un personnel accrédité. A l’initiative du CIO, les délégations qui le souhaitaient, et en avaient les moyens, ont enrichi leur encadrement d’un psychologue. La France en fait partie, comme une douzaine d’autres pays présents aux JOJ 2024. Les explications du chef de mission français, Andrie-Pierre Goubert.
FrancsJeux : La délégation française compte une psychologue, Julie Lacoste, en charge du bien-être mental de ses membres. Est-ce une première aux Jeux olympiques ?
André-Pierre Goubert : Aux Jeux de la Jeunesse, oui. Mais nous en avions déjà deux aux Jeux d’hiver de Pékin 2022. L’ininitaive vient du CIO. Elle a été lancée à l’occasion des Jeux de Tokyo 2020. La crise sanitaire, et les risques d’isolement en cas de COVID, ont incité le CIO à mettre à la disposition des délégations des psychologues, les « welfare officer ». Une accréditation spéciale a été créée à leur intention. A Tokyo, ils étaient mutualisés pour servir plusieurs pays. Après les Jeux d’été, le CIO a généralisé le concept en proposant aux pays d’amener leurs propres psychologues, pour Pékin 2022, puis désormais pour chaque édition, été comme hiver, JOJ ou Jeux olympiques.
Concrètement, comme cela fonctionne-t-il ?
Aux Jeux de Pékin 2022, nous avions droit à trois places de « welfare officer », une par village des athlètes. Nous en avons emmené deux. A Gangwon, nous avions deux places. Une seule est utilisée. Ces accréditations ne comptent pas dans le quota alloué à chaque pays. Elles n’empiètent donc pas sur l’encadrement technique ou médical. Nous devons fournir au CIO le diplôme clinique du psychologue retenu.
A quoi sert un spécialiste du bien-être mental pendant des Jeux olympiques ?
Son rôle n’est pas du tout lié à la performance sportive. Il ne s’agit donc pas d’un préparateur mental attaché à un athlète ou une équipe pour une aide à la réussite sportive. Il est là pour accompagner l’athlète, voire l’entraîneur, en cas de difficulté psychologique. A Pékin 2022, deux athlètes français sont restés en isolement jusqu’à la veille de leur compétition. Ils ont eu besoin d’une aide mentale. Un entraîneur, positif au COVID-19, a passé trois semaines seul dans une chambre sans pouvoir en sortir. Notre psychologue l’a appelé tous les jours pour l’accompagner dans cette épreuve.
La santé mentale des athlètes est aujourd’hui une préoccupation majeure, notamment du CIO. Comment est-elle traitée de façon pratique sur un événement comme les Jeux ou les JOJ ?
A Gangwon, une appli très ludique est proposée aux athlètes et à l’encadrement. Elle propose notamment une sorte de quizz éducatif, avec des questions sur le dopage, le rôle de l’entourage, le harcèlement… Les athlètes français ont tous joué le jeu. Ces questions, et les réponses apportées, permettent de les sensibiliser à certains des dangers liés au sport de haut niveau. Cela pousse les jeunes athlètes à s’interroger. Le CIO a également organisé deux réunions pour les délégations pour permettre un échange des bonnes pratiques en matière de bien-être et d’accompagnement mental. Nous avons pu réaliser que certains comités nationaux olympiques, Singapour par exemple, étaient plus en avance que les autres sur ces questions.
Les jeunes athlètes ne sont-ils pas exposés aux dangers des réseaux sociaux plus encore que leurs aînés ?
Sans doute. Mais nous les avons sensibilisés à ces dangers, en leur expliquant par exemple qu’ils pouvaient parler d’eux-mêmes, mais qu’il n’était pas recommandé de s’exprimer sur les autres. Nous leur avons également détaillé les règles du CIO en matière de publication sur les réseaux pendant les Jeux. Nous surveillons leurs comptes. Mais il s’avère qu’ils postent peu. Le format des JOJ est assez dense. Les athlètes sont concentrés sur la compétition. Ils ont finalement assez peu de temps à passer sur leur téléphone.
Quel dispositif prévoyez-vous pour les Jeux de Paris 2024 ?
Nous aurons trois psychologues, le maximum dont nous pourrons disposer. A domicile, les enjeux seront très importants et la pression plus forte. Mais, je le répète, ils ne seront pas là pour la préparation à la performance. Ils interviendront en accompagnement, au cas par cas, à la demande d’un athlète, ou plus souvent encore d’un entraîneur.