Un discours à deux vitesses. Une pirouette verbale. A moins de deux ans de l’ouverture des Jeux d’hiver de Milan-Cortina 2026 (6 au 22 février), la commission de coordination du CIO a bouclé en fin de semaine passée une visite d’inspection de trois jours en tentant, non sans un certain succès, de dire une chose et son contraire.
L’exercice n’était pas gagné d’avance. Mais Christophe Dubi, le directeur exécutif des Jeux au CIO, et Kristin Kloster, la présidente de la commission, ont parfaitement accordé leurs violons, au moment de faire face aux médias pour la conférence de presse de bilan de la visite. Le Suisse et la Norvégienne ont réussi à expliquer que l’Italie était en avance, tout en prévenant que le moindre ralentissement l’enverrait dans le décor. Le tout en moins d’une heure. Très fort.
En avance, donc. Il faut se pincer pour le croire, tant le comité d’organisation de Milan-Cortina 2026 a multiplié les arrêts aux stands, ces dernières années. Giovanni Malago, son président, l’a reconnu lui-même, sans craindre de manier l’ironie : « Nous avons des délais et ces délais sont serrés. Mais en quoi cela est-il nouveau pour l’Italie ? »
Et pourtant, Christophe Dubi a sorti de ses poches les exemples du passé pour assurer que, oui, l’Italie était loin devant la Corée du Sud pour PyeongChang 2018 et la Chine pour Pékin 2022. « Les délais sont serrés et nous sommes très clairs, a-t-il expliqué. Est-ce compliqué ? Pour un site en particulier, c’est compliqué. Mais pour le reste, on parle de constructions de villages et d’une salle polyvalente. Ce n’est pas si complexe. Pour cette raison, l’Italie a une longueur d’avance sur les comités d’organisation précédents. » Cool.
Plus de souci, alors ? Pas si vite. Christophe Dubi et Kristin Kloster l’ont martelé l’un et l’autre, avec des styles différents : l’Italie n’a pas droit à l’erreur. Chaque journée de perdu pourrait lui être fatale. La faute à la piste de bobsleigh, luge et skeleton, vivement souhaitée par le CIO à l’étranger, mais finalement conservée par les Italiens au pays, sur les vestiges de l’historique ruban de glace de Cortina d’Ampezzo.
A elle seule, la piste de la discorde a occupé le plus clair des échanges de la conférence de presse, vendredi 23 février à Venise, poussant le responsable presse de Milan-Cortina 2026 à rappeler aux médias que la visite de trois jours de la commission de coordination avait balayé bien d’autres sujets.
Christophe Dubi a insisté : sur ce dossier, le CIO n’avait pas le dernier mot. L’instance a recommandé la prudence, en suggérant d’aller en Suisse (Saint-Moritz) ou en Autriche (Igls). Mais elle n’a rien pu imposer. En face, les Italiens ont écouté, ils ont longtemps donné l’impression de pencher du côté du CIO, avant de finalement lui tourner le dos et décider d’ignorer son avis.
Andrea Varnier, le directeur général de Milan-Cortina 2026, l’a précisé devant les médias : conserver la piste de glisse en Italie n’aura pas seulement pour effet de « rendre l’événement beaucoup plus réussi ». Cette option se révèle également nettement plus favorable pour le budget des Jeux, malgré les 86 millions d’euros de dépenses annoncés pour reconstruire la piste. « Financièrement, organiser des événements à l’étranger coûterait très cher au comité d’organisation », a-t-il insisté.
Le message du CIO est clair : l’Italie a beau « être en avance », au moins par rapport à la Corée du Sud et la Chine, il ne lui est plus permis de s’accorder un seul répit. L’instance a fixé une date limite pour remettre la piste Eugenio-Monti en état de marche : mars 2025. « Sur ce point, nous ne pouvons pas faire de compromis, a tranché Christophe Dubi. Cela vient des fédérations internationales. Pour assurer la sécurité des athlètes, la piste devra être terminée au plus tard en mars 2025. »
Dans le cas contraire, l’Italie devra renoncer à organiser sur son sol les épreuves olympiques de bobsleigh, luge et skeleton. Il lui faudra se tourner vers un plan B. A moins d’un an de l’événement. Un casse-tête en perspective.