Tout sauf un hasard : l’Agence mondiale antidopage (AMA) déroule cette année dans le sud de la France le décor de sa Conférence mondiale sur l’éducation. Elle débute ce mardi 27 février (jusqu’au jeudi 29) à Cannes. A moins de cinq mois de l’ouverture des Jeux de Paris 2024.
En tête de liste des intervenants, Kady Kanouté (photo ci-dessous). L’ancienne internationale de basketball d’origine malienne, longtemps installée en France, préside le comité Education de l’AMA. Elle a répondu aux questions de FrancsJeux.
FrancsJeux : Aujourd’hui, qui faut-il éduquer en priorité aux règles et réalités de la lutte antidopage ? Les athlètes, les entraîneurs, les officiels… ?
Kady Kanouté : Tout le monde. Depuis 2021, un standard en matière d’éducation a été intégré au Code mondial antidopage. Il cible les athlètes, mais aussi leur entourage : les coachs, les médecins, les parents… Toutes les personnes qui peuvent avoir une influence directe sur la prise de décision de l’athlète. Nous partons du plus bas de l’échelle, le sport récréatif, pour aller jusqu’au sommet, le haut niveau.
Qui sont les plus concernés ?
L’athlète reste au coeur du dispositif. Mais rien ne pourrait fonctionner sans un travail d’éducation des membres de son entourage.
La prévention et l’éducation sont-elles deux choses différentes ?
Oui. L’éducation est plus large que la prévention. Elle concerne tous les aspects de la question : la règlementation, les procédures de test, les sanctions, l’obtention des résultats… Un athlète doit être accompagné tout au long du processus. Son éducation à la lutte antidopage doit se faire en continu, à toutes les étapes de sa carrière.
Dans la réalité, les différences se révèlent-elles important en terme d’éducation entre les sports et les pays ?
Bien sûr. L’éducation demande des moyens et des ressources. Ils ne sont pas équitablement répartis entre toutes les zones géographiques. Les pays du nord disposent le plus souvent de ressources plus importantes que ceux du sud, l’Afrique notamment. Mais l’intérêt d’avoir établi un standard, et de l’avoir intégré au Code mondial antidopage, est justement d’obliger les pays à trouver des moyens et des ressources pour mettre en place un programme d’éducation de base. Les différences existent aussi, bien sûr, entre les sports. Le nombre d’infractions n’est pas le même entre les membres du top 10 – l’athlétisme et l’haltérophilie, par exemple – et des disciplines moins exposées.
La nouvelle génération d’athlètes est-elle mieux éduquée sur la question du dopage ?
Je crois, oui. La mise en place de standards a joué un grand rôle. Nous avons vu des progrès significatifs. Le nombre de fraudes est à la baisse. Les athlètes sont de plus en plus impliqués. A l’initiative de l’AMA, ils se mettent plus en avant pour jouer un rôle, certains sont même devenus des ambassadeurs de la lutte antidopage. On nous demande souvent de justifier les dépenses affectées aux programmes d’éducation. Pour répondre, on aimerait pouvoir établir un lien direct entre la baisse du nombre d’infractions et les programmes les plus avancés. Mais ça n’est pas toujours aussi simple.
Les athlètes plaident encore souvent l’ignorance dans leur défense en cas de contrôle antidopage positif. Aujourd’hui, est-ce vraiment un argument crédible ?
Bien sûr. En partant du principe que la grande majorité des athlètes se lancent dans une carrière de haut niveau sans la moindre intention de se doper, on peut comprendre que les questions de dopage ne soient pas leur première préoccupation. Je peux en parler de façon personnelle, car j’ai été testée pour la première fois aux Jeux de Pékin 2008. A l’époque, j’ignorais presque tout des règles et de leur complexité. Cette expérience a été un déclencheur, elle m’a donné envie de m’investir sur ces questions. Encore aujourd’hui, les athlètes se laissent parfois prendre dans le système. Mais il est important d’entendre ce qu’ils ont à dire. Tout le travail que nous faisons, avec ces programmes d’éducation, vise à ce qu’ils ne puissent plus dire qu’ils ne savaient pas.
Pourquoi avoir choisi comme thème de la conférence mondiale sur l’éducation, organisée à partir de ce mardi 27 février à Cannes, « Cultivons notre créativité collective » ?
La réalité, aujourd’hui encore, est que les moyens et les ressources ne sont pas identiques d’un pays à l’autre. Mais il est très important de trouver des solutions locales pour protéger les athlètes contre le dopage. Nous allons donner aux éducateurs et aux organisations des outils concrets, très pratiques, qu’ils pourront mettre en place localement, en tenant compte de leur contexte et de leurs spécificités.