Richard McLaren a encore frappé. Le juriste canadien, passé à la postérité pour son rapport sur le dopage russe aux Jeux d’hiver de Sotchi 2014, avait été missionné par la Fédération internationale de boxe (AIBA) pour mettre son nez dans la corruption présumée aux Jeux de Rio 2016. Il a dévoilé jeudi 30 septembre les premiers résultats de son enquête. Ils sont explosifs.
A en croire son rapport de 152 pages, présenté en conférence de presse à Lausanne, pas moins de 11 combats seraient hautement suspects et pourraient avoir été truqués. Parmi eux, la finale des poids lourds entre le Russe Evgeny Tischenko et le Kazakh Vassily Levit, et un quart de finale des poids coqs entre l’Irlandais Michael Conlan et le Russe Vladimir Nikitin. Le Canadien l’a suggéré jeudi 30 septembre : « Nous ne connaîtrons jamais l’étendue réelle du nombre de combats manipulés à Rio ».
Selon Richard McLaren, le trucage aux Jeux olympiques a été grandement facilité, voire orchestré, par deux des acteurs majeurs de l’AIBA à l’époque des faits, le Taïwanais CK Wu, qui était alors le président de l’instance, et le Français Karim Bouzidi, l’ex directeur exécutif. « Les qualifications pour les Jeux de Rio ont été le terrain d’entraînement pour la corruption et le trucage des combats, a expliqué le Canadien. La méthodologie a été affinée en prévision d’une utilisation aux Jeux. Le directeur exécutif s’est emparé du pouvoir réservé aux commissions. Il a supervisé la nomination des arbitres et des juges, qui savaient ce qui se passait mais se conformaient au système de trucage. D’autres étaient incompétents, mais ils voulaient continuer à être arbitre ou juge et étaient prêts à se conformer ou à fermer les yeux sur ce qui se passait. »
Toujours selon Richard McLaren, la corruption pouvait avoir deux objectifs. Le premier était financier, l’AIBA recevant de l’argent en échange de résultats truqués. Le second était plus politique : le trucage des matchs pouvait ainsi servir à remercier une fédération nationale ou un comité olympique pour services rendus, notamment pour l’accueil d’une grande compétition et un soutien à l’équipe en place.
Richard McLaren le résume : « La boxe a un problème, mais il ne concerne pas ses règles et ses processus. C’est un problème de personnes. Pendant trop longtemps, les gens ont travaillé en dehors des règles. »
Après les nombreuses polémiques des Jeux de Rio 2016, l’AIBA avait suspendu tous les juges ayant officié au Brésil. Karim Bouzidi avait été réaffecté pendant le tournoi. Il a ensuite quitté l’instance. Quant à CK Wu, il a été poussé à la démission en 2017. Le rapport pointe que le dirigeant taïwanais « a évité de discuter de ce qu’il savait apparemment être une conduite inappropriée » dans ses relations avec le CIO. Longtemps très influent au sein de l’instance olympique, il n’en fait désormais plus partie.
L’AIBA n’a pas attendu pour commenter les premières révélations du rapport McLaren. Elle l’a fait via un communiqué, publié dès jeudi 30 septembre, où son président Umar Kremlev explique : « Nous nous efforcerons d’intégrer toutes les recommandations utiles qui seront faites. Nous demanderons également des conseils juridiques sur les mesures possibles contre les personnes reconnues coupables d’avoir participé à une quelconque manipulation. Il ne devrait y avoir aucune place dans la famille de l’AIBA pour quiconque a arrangé un combat. »