Elles ont écrit l’histoire. Rien de moins. Samedi 10 mars, au premier jour des compétitions des Jeux paralympiques de PyeongChang, Eléonor et Chloé Sana ont comblé un vide. Les deux sœurs originaires de Court-Saint-Etienne, une commune francophone de Belgique, située dans le Brabant wallon, ont décroché la première médaille féminine belge depuis la création des Jeux paralympiques. En prenant la 3ème place de la descente, dans la catégorie des déficients visuels, elle ont rejoint Willy Mercier, le seul autre médaillé paralympique du sport belge, monté lui aussi sur la 3ème marche du podium dans cette discipline aux Jeux de Lillehammer en 1994.
Sur la feuille d’engagement, Eléonor Sana, 20 ans (à droite sur la photo), apparaît en premier. Sa sœur aînée, Chloé, plus âgée de 2 ans, joue le rôle de guide. Mais sur la piste, les deux frangines ne font qu’un. Pour preuve les premiers mots de la plus jeune, samedi à l’arrivé de la descente, où elle a préféré le « nous » au « je » pour exprimer ses impressions de médaillée paralympique: « Nous ressentons plein des sensations en même temps. On a eu peur, le stress était énorme, mais nous sommes aujourd’hui hyper contentes et très émues ».
Son parcours d’athlète, Eléonor Sana en fait remonter les premiers souvenirs dès l’enfance. Mais elle explique l’avoir toujours vécu dans une forme de brouillard. Atteinte à l’âge de 6 semaines d’un cancer de la rétine, elle n’a jamais laissé son handicap freiner ses ardeurs. Elle s’est essayée à la gymnastique, à la natation. Avant de bifurquer vers le ski alpin à l’adolescence.
En 2014, la jeune Belge décide de se lancer dans la compétition. Elle rejoint un club, Embarquement immédiat. Elle se fait accompagner d’un entraîneur, le Français Stefan Sazio. Surtout, elle demande à sa sœur Chloé de lui servir de guide.
Sur la piste, leur relation se transmet par la parole. Chloé est équipée d’un micro, Eléonor d’une oreillette. La première doit construire pour la seconde un « couloir de sons », dans lequel poser ses skis et déclencher ses courbes. « Dans une course, je vois juste la première porte, et encore pas toujours, explique la cadette. Je vois un peu comme à travers un paquet de céréales vide. C’est très flou, pas net du tout. Mais je suis née ainsi, alors pour moi cette vision représente la normalité. »
A écouter Chloé, Eléonor serait la plus casse-cou de la famille. « Elle fonce, elle ose plus, reconnaît l’aînée. Son tempérament vient peut-être du fait qu’elle ne voit pas le danger. »
Depuis 4 ans, les deux « sœurs de glisse », le surnom sur le circuit, n’ont pas seulement bâti un projet sportif, soutenu par des partenaires. Elles ont aussi renforcé leur relation et écrit une touchante histoire humaine. « Nous passons tellement de temps ensemble, maintenant, que nous sommes plus liées que jamais« , racontent-elles d’une même voix.